Vingt-quatre heures de la vie d'une femme , Stefan Zweig, Éd. Audiolib, 2012 (première édition, 1927)
Début XXème , dans un hôtel de très bonne tenue, se réunissent des gens de la bonne société. Les discussions sont cordiales, jusqu'au jour où débarque un jeune et beau Français qui plaît à tous par ses bonnes manières, sa politesse et sa galanterie. Peu après son arrivée, une nouvelle qui surprend tout le monde tombe : Mme Henriette, jeune femme de 33 ans, mariée et mère de famille s'est enfuie avec le jeune homme. Son mari est effondré et les discussions prennent une tournure très inhabituelle. Seul le narrateur, défend la belle Mme Henriette et prétend que succomber à un coup de foudre ne fait pas d'elle une femme légère et infréquentable. Attentive à tous les propos, une vieille dame anglaise distinguée se rapproche de lui et lui raconte une aventure de vingt-quatre heures qu'elle a vécue vingt-cinq années plus tôt et que la disparition du couple adultère vient de ranimer en elle. Elle dévoile une partie d'elle-même totalement insoupçonnable pour qui la fréquente dans ce monde feutré de la haute bourgeoisie.
Comme je le disais très récemment, suite à ma découverte mi figue-mi-raisin du procédé audiolib , : "il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis" (si, si, vous pouvez vérifier, je l'ai écrit là !). Me voici donc, suite à une sollicitation d'Audiolib à écouter un autre livre. Cette fois-ci, je tape dans le haut de gamme. Stefan Zweig. Lu par Marie-Christine Barrault. Excusez du peu. Je peux redire ici tout les aspects, gênants pour moi dans une écoute de livre :
- manque de flexibilité par rapport au livre
- difficulté de "lire" à mon rythme, de noter des phrases, des extraits, de revenir en arrière, de passer éventuellement des passages plus rapidement -mais pas chez Zweig, tout est bon !, quasi obligation de s'arrêter à la fin d'une plage (13 sur celui-ci pour 2h41 de durée totale)
- impression de ne rien faire pendant que j'écoute, car je me suis aperçu que je ne pouvais pas avoir d'autre activité que celle d'écouter (les esprits malins me diront que lorsque je lis, je ne fais rien d'autre non plus ; certes, mais je tourne les pages !)
Mais je vais dire aussi tout le bien que je pense de ce livre audio. D'abord Marie-Christine Barrault lit bien (ouah, tu parles d'un super compliment !), intelligiblement, suffisamment lentement pour qu'on saisisse bien toute la fluidité et la finesse de l'écriture de Stefan Zweig. Ensuite, elle change de ton en fonction des événements, mais ne surjoue pas pour que l'auditeur puisse lui-même trouver ses émotions. Je n'aurais pas aimé que l'on me dictât les moments forts, ceux où je me devais de réagir. Un peu comme je déteste les humoristes obligés d'appuyer leurs blagues pour que le public rie au moment crucial. Ou Pire, les boîtes à rire !
Et puis, il y a le texte. Formidable histoire qui allie tension, émotion, colère, densité et belle langue qui peut passer pour un rien désuète mais qui sait admirablement faire passer les messages, les sentiments, la détresse et la confiance de cette femme. Ah le passage sur les mains ! Celles qui jouent au casino, il en est de toutes sortes. Ci-dessous un extrait de ce long et passionnant chapitre :
"C'étaient des mains d'une beauté très rare, extraordinairement longues, extraordinairement minces, et pourtant traversées de muscles extrêmement rigides - des mains très blanches, avec, au bout, des ongles pâles, aux dessus nacrés et délicatement arrondis. Je les ai regardées toute la soirée, oui, je les ai regardées avec une surprise toujours nouvelle, ces mains extraordinaires, vraiment uniques; mais ce qui d'abord me surprit d'une manière si terrifiante, c'était leur fièvre, leur expression follement passionnée, cette façon convulsive de s'étreindre et de lutter entre elles. Ici, je le compris tout de suite, c'était un homme débordant de force qui concentrait toute sa passion dans les extrémités de ses doigts, pour qu'elle ne fît pas exploser son être tout entier. Et maintenant..., à la seconde où la boule tomba dans le trou avec un bruit sec et mat et où le croupier cria le numéro ..., à cette seconde les deux mains se séparèrent soudain l'une de l'autre, comme deux animaux frappés à mort d'une même balle."
Je me dois de préciser que j'avais lu cette nouvelle il y a quelques années et que j'ai retrouvé les mêmes joies et les mêmes émotions en l'écoutant. Comme quoi, lorsque l'oeuvre est de qualité, qu'importe le moyen d'y parvenir.
Laissez-vous tenter si vous n'osez pas vous lancer dans une lecture de Zweig ou si vous avez déjà lu cet auteur, c'est absolument très agréable de se laisser susurrer à l'oreille ses mots par Marie-Christine Barrault.
Merci Chloé.