Vie de Damoclès
Vie de Damoclès, Fragments, Pascal Ory, Éd. des Busclats, 2012
"Damoclès naquit.
Une quinzaine d'années plus tard, il comprit enfin qu'il était né sans l'avoir voulu. Ce fut son dépucelage.
Alors il se décida à lever les yeux vers le ciel ; il vit, juste au- dessus de lui, flottant dans les airs, bien verticale, une longue épée effilée, dardée en direction de sa tête. Dès lors, il regarda de plus près les autres êtres humains et vit que chacun d'eux portait son épée, de même.
Plus ou moins longue, fine, épaisse, neuve, rouillée, celle-ci un peu courbe, celle-là franchement tordue. Mais chacun la sienne. Ça ne le réconforta qu'à moitié mais avec cette moitié-là, il put continuer de vivre."
En guise de résumé le premier fragment de ce livre qui sert aussi de 4ème de couverture. Parce qu'il est difficilement résumable ce livre. C'est un recueil de courts textes, qui ont tous en commun d'avoir comme personnage principal ce fameux Damoclès. Ce sont des fragments de sa vie, numérotés et placés dans un ordre aléatoire. C'est bourré de références à la mythologie, à la philosophie, à la culture en général, l'art, l'écriture, ... Rien de pédant pourtant, l'angle choisi est plutôt l'humour et l'accessibilité à tous (même si certaines références me sont parues totalement obscures, mais mon instruction est limitée et sans doute à refaire, au moins à améliorer)
Anachronismes, jeux de mots, idées et réflexions en vrac, sans vraiment pousser les raisonnements, tout concourt à passer un agréable moment. Pascal Ory s'attaque à la philosophie, la sagesse, la religion, la télévision, bref, à tous les thèmes qui nous occupent tous les jours (Bon, je veux bien comprendre que parmi vous qui lisez ce billet certains ne s'adonnent pas tous les matins à la philosophie, ne tergiversent pas pour savoir s'ils sont plutôt sages ou stoïques, mais moi...). Deux extraits que j'aime beaucoup à suivre, l'un sur la religion (évidemment diront ceux qui me lisent régulièrement ; il y en a si si !) et l'autre sur une donnée universelle : la bêtise.
"Croire à l'absence des dieux, c'est toujours croire. Je ne crois pas, je respire ; mon corps respire qu'il n'y a pas de dieu et ma tête conclut que c'est bien dommage.Mais ce n'est pas ma faute s'Il s'obstine à ne pas exister." (p.19/20)
"Damoclès avait toujours eu des problèmes avec la bêtise. Comme tout le monde, il la détestait, mais comme beaucoup il avait du mal à la définir, et, comme quelques uns, il craignait d'en être le premier atteint." (p.101)
Un dialogue entre lui et un puritain à propos des images sexy qui tapissent les murs des villes (le puritain entame le débat) :
"-Vous outragez la sensibilité du public ! Et les enfants, vous avez pensé aux petits enfants ?
- Eh bien, interdisez les spectacles obscènes : les parades militaires, les publicités mensongères, les matchs de boxe...
- Vous mélangez tout. Le sexe est sale. Les parties honteuses, les jambes, les cuisses, le ventre, la poitrine, les oreilles, la bouche... et puis les pensées qui y pensent et puis les pensées qui n'y pensent pas mais qui y pensent quand même.
- Et puis la vôtre, à ce que je comprends, qui y pense toujours." (p.95/96)
Très pragmatique Damoclès, il agit, réfléchit un peu, parfois uniquement après, mais cherche toujours le plus simple et le plus efficace.
Assez inégal, certains paragraphes sont moins drôles, moins marquants, une lecture plaisante légère mais qui permet parfois de se poser des questions sans forcément y apporter de réponse, ce qui nous oblige, nous lecteurs, à réfléchir un peu. Pour réfléchir donc, mais en rigolant !