Une femme seule
Une femme seule, Marie Vindy, Fayard noir, 2012
Lieu-dit de l'Ermitage, en Haute Marne, un petit matin d'hiver, le 10 janvier, une très jeune femme est découverte morte étranglée près de la propriété dans laquelle vit Marianne Gil. Francis Humbert, capitaine de gendarmerie est chargé de l'enquête. Très vite, il est fasciné par Marianne qui vit seule dans cette grande maison perdue dans la campagne, qui est une écrivain reconnue et qui semble avoir pas mal de zones d'ombres de sa vie antérieure.
Évacuons tout de suite ce que je pense être des points faibles : d'abord certains côtés des personnages un peu stéréotypés (le flic un peu sauvage, divorcé, blasé et la femme seule mystérieuse, très belle forcément) et ensuite, ce qui m'a le plus gêné c'est la description des deux héros qui ne peuvent qu'être attirants, Marianne est superbe, c'est une "femme seule à la beauté sauvage" (4ème de couverture) même mal habillée, elle a un "corps gracile, presque fragile" (p.191) alors que les autres protagonistes sont gros, moches : "Georges Clément, petit monsieur râblé et moustachu aux cheveux grisonnants, son épouse Catherine, blonde et ronde, aux mollets de chasseur alpin, en chemisier synthétique et jupe au-dessus du genou, et Anne-Laure Calais, la belle-sœur, copie conforme de la précédente, en plus mince et légèrement moins avenante." (p.196), ou encore, Karine, "les traits marqués pourtant, elle portait un jean moulant qui ne mettait pas en valeur sa taille un peu épaisse, des bottines usées et un pull en polaire. Elle sentait le parfum bon marché." (p.199). Un autre témoin se parfumera aussi "bon marché". Ça ressemble un peu à une histoire d'un couple de beaux gosses au pays des Deschiens (pour les moins jeunes d'entre nous qui se souviennent d'eux, pour les jeunot(te)s qui ne connaissent pas, tapez "Deschiens" sur Goo...)
A part ça, eh bien, c'est un excellent roman policier ! 400 pages qui n'ennuient jamais (et pour moi, c'est presque un exploit) et qu'au contraire on déguste lentement avec plaisir, comme un polar de Mankell avec Wallander. Attention, lorsque je cite Wallander en exemple, c'est du lourd, il est pour moi le policier référence de ces dernières années, j'ai dévoré ses enquêtes. Que dis-je ? Dévoré ? Englouti serait plus adapté. D'ailleurs dans un interviouve, Marie Vindy ne s'en cache pas et revendique même la filiation (entre autres). Plusieurs points communs : d'abord l'enquête se passe en Province (Ystad pour Wallander et Chaumont pour Humbert), ensuite, Humbert travaille en équipe, même s'il fait parfois cavalier seul, puis les tourments, les questionnements, les réflexions des uns et des autres (surtout Humbert et Marianne) sont très présents : leurs vies privées tiennent une grande part dans ce roman, elles s'installent au milieu de l'enquête comme dans la vraie vie, et enfin, Humbert suit absolument toutes les pistes même la plus petite. Il en déroule le fil jusqu'à arriver dans des impasses, et doit donc éliminer telle ou telle possibilité : il élargit son enquête n'oubliant aucun indice pour mieux la resserrer ensuite et tomber inévitablement sur le (ou les) coupables. La solution arrive logiquement, tranquillement serais-je même tenté de dire, inéluctable, évidente mais le fruit d'un travail colossal et non pas d'une intuition particulièrement développée de l'enquêteur en chef.
N'allez pas croire cependant que Marie Vindy a fait du copier/coller : elle a su se défaire de ses références pour créer des personnages, des situations, des paysages qui lui sont propres. Un petit manque pour moi, j'aurais aimé un contexte plus fort (social ou politique chez Mankell/Wallander, politique et historique chez V. Kutscher/Rath), mais je ne désespère pas car je sens que ces 400 pages que j'ai dégustées avec un plaisir évident pourraient faire des petites ; une nouvelle enquête du capitaine de gendarmerie Humbert : je prends !
Merci beaucoup Lilas de chez Fayard noir.