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Un traître à notre goût

Publié le par Yv

Un traître à notre goût, John le Carré, Seuil, 2011

Deux jeunes amoureux britanniques, Perry et Gail,  passent des vacances à Antigua, île des Caraïbes. Ils y font la connaissance d'un Russe expansif, Dima, riche amateur de tennis, comme Perry. Ils jouent une partie, et là, Dima propose à Perry un marché qui le mènera, lui et Gail, plus loin que ce qu'ils n'auraient jamais pu imaginer. Entre mafia russe, espionnage, blanchiment d'argent, corruption, ...

Je me souviens avoir lu, il y a très longtemps un roman de John le Carré, mais lequel, je crains un oubli total du titre. Depuis, rien. Il m'a donc fallu attendre la sélection du Prix des lecteurs de l'Express pour m'y remettre. Très agréablement d'ailleurs. John le Carré dont on dit qu'il est THE spécialiste du roman d'espionnage le prouve ici. Il sait installer ses personnages lambda au cœur d'une action et d'une intrigue qui les dépassent. Doucement, mais sûrement, il tisse la toile pour y prendre le lecteur. Au début du roman il ménage ses effets, et construit l'intrigue en nous baladant. Un coup en avant. Un coup en arrière. On commence à cerner un peu mieux le problème vers la centième page. Il joue de l'anticipation ou du retardement des situations pour mieux perdre et mieux récupérer ses lecteurs. C'est magistralement fait. Ensuite, la narration est plus linéaire, plus classique, mais pas moins captivante, même s'il y a un petit "ventre mou" au milieu du livre. En effet, j'ai senti un flottement, un immobilisme pendant plusieurs pages, qui s'il ne plombe pas la bonne impression générale du livre, en alourdit un tout petit peu la lecture.

L'auteur met beaucoup de sympathie dans quasiment tous ses personnages Perry, Gail, Dima et sa famille : même les espions anglais, plus retors sont sympathiques. Evidemment, ce n'est pas le cas, des méchants de la mafia et de leurs complices, mais c'est aussi le genre qui veut un peu de stéréotypes. Peut-être pourrait-on lui reprocher de faire de simples citoyens de vrais espions entraînés, mais en suivant l'histoire page après page, c'est assez crédible. Sans être une étude psychologique, ses héros sont assez fouillés, tous embêtés dans leur vie privée par des soucis plus ou moins graves, ce qui rend humain et proche de nous les espions, qui souvent, dans les romans ou les films sont des êtres inaccessibles, une sorte de superman. Là, point ! Simplement des hommes et des femmes au métier pas banal, mais aux vies privées qui le sont beaucoup plus.

John le Carré se montre assez critique envers la classe politique -ou envers certains hommes politiques- qui accepte toute compromission, pourvu que ça lui rapporte financièrement certes, mais aussi pour l'avancée de sa carrière :

""- Comment on fait pour sauver l'Angleterre ? Et de quoi ? D'accord, d'elle-même. mais de quelle partie d'elle-même ?"

Ce fut au tour d'Hector de se montrer pensif.

"Vous allez devoir vous contenter de notre parole.

- La parole de votre Service ?

- Dans l'immédiat, oui.

- Et elle a quelle valeur ? Les gentlemen qui mentent pour le bien de leur pays, c'est bien vous, non ?

- Ça, c'est les diplomates. Nous, on n'est pas des gentlemen.

- Alors vous mentez pour sauver votre peau.

- Encore raté. Ça, c'est les hommes politiques. Rien à voir."" (p.153)

Certains élus, très proches du pouvoir sont totalement corrompus, mais très puissants, très en vue. C'est là que l'intrigue prend de l'épaisseur, puisque Hector, un des responsables des Services Secrets britanniques aura fort à faire pour tenter de faire la lumière sur toute cette histoire.

Schtroumpf grognon comme je suis, j'ai bien encore un bémol -il faut bien que je fasse honneur à ma réputation- sur les arcanes du blanchiment d'argent qui resteront pour moi totalement absconses. Malgré les explications de J. le Carré, j'avoue être passé à côté des détails ; que voulez-vous, je ne suis pas un homme d'argent !

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F
<br /> Pas un homme d'argent peut être mais un homme en or pour nous "raconter" les livres.<br /> <br /> <br />
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Y
<br /> <br /> Oh merci Fransoaz, c'est très (trop ?) gentil. Néanmoins, ma modestie dut-elle en souffrir je  note le compliment pour le replacer un de ces jours.<br /> <br /> <br /> <br />
A
<br /> Pas un homem d'argent, ça y est, c'est prouvé.<br /> <br /> <br />
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Y
<br /> <br /> Eh non, on ne se refait pas !<br /> <br /> <br /> <br />
M
<br /> Dire que je n'ai lu encore aucun John le Carré...un manque à réparer vite !<br /> <br /> <br />
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Y
<br /> <br /> d'autant plus qu'il n'est plus très jeune le monsieur !<br /> <br /> <br /> <br />
K
<br /> Je me suis régalée de deux ou trois romans de John Le Carré, il y a un bon moment, et j'ai entendu le plus grand bien de celui-ci... Comme tu as aussi aimé, malgré tout, je le note !<br /> <br /> <br />
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Y
<br /> <br /> Oui l'ensemble est plutôt positif.<br /> <br /> <br /> <br />
C
<br /> A voir... peut-être<br /> <br /> <br />
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Y
<br /> <br /> A l'occasion, si éventuellement, par hasard tu le trouves...<br /> <br /> <br /> <br />
S
<br /> J'ai vainement essayé de terminer "La maison Russie": je n'ai pas réussi à accrocher et, de plus, je n'ai pas compris grand chose. Peut-être celui-ci est-il meilleur ?<br /> <br /> <br />
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Y
<br /> <br /> Je ne peux pas comparer n'ayant pas lu La maison Russie, mais le dernier est pas mal.<br /> <br /> <br /> <br />
K
<br /> Facile, je ne dors pas, je suis un robot qui enregistre à la vitesse de la lumière.<br /> Plus sérieusement : les vieux romans d'espionnage, je les ai lus au début des années 90 , donc tu devines que j'ai des décennies de lecture derrière moi , et puis je n'ai pas la télé...<br /> <br /> <br />
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Y
<br /> <br /> Ah, ça aide de ne pas avoir la télé. Moi, je l'ai mais je ne la regarde pas beaucoup !<br /> <br /> <br /> <br />
K
<br /> Ouh, j'en ai lu plein, des Le carré, même ses anciens. Je veux celui ci aussi, en son temps bien sur!<br /> <br /> <br />
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Y
<br /> <br /> Mais tu as tout lu dis donc ??? Comment fais-tu ?<br /> <br /> <br /> <br />
G
<br /> L'extrait que tu as choisi est savoureux... Comme toi, je crois n'en avoir lu qu'un de J Le Carré jusqu'à présent mais celui-là me tente bien.<br /> <br /> <br />
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Y
<br /> <br /> Un humour assez présent qui fait sourire tout au long du livre.<br /> <br /> <br /> <br />
B
<br /> Au vu du raz-de-marée de bonnes critiques cela fait plaisir de lire une voix en dièse. J'ai lu ce livre à sa sortie en V.O. et ai ressenti la même courbe en U (pour rester dans les métaphores<br /> financières que tu adores so much). Entrée en matière formidable, fin bien ficellée, empathie pour les personnages(même si l'épaisseur du Mr. Dima est à mon sens un peu "tricoté") et notamment le<br /> premier "interview-debreifing" de Gail and Perry est un bijoux narratif. Quant au blanchiment, pour moi c'est bien vu (contrairement à toi j'ai eu le "plaisir" d'avoir travaillé comme traducteur<br /> dans une banque)et plutôt bien retracé (mieux en tout cas que dans "Savages")<br /> <br /> <br />
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Y
<br /> <br /> J'ai souvent cette sensation de "ventre mou" dans les gros bouquins, ou alors c'est mon intérêt qui baisse, ma capacité à résister à plus de 300 pages. Pour le blanchiment, c'est bien expliqué,<br /> mais je trouve cela un peu fastidieux, chez D. Winslow, ce n'est pas ce que l'on recherche, alors on peut s'en passer plus facilement que chez J. le Carré.<br /> <br /> <br /> <br />