Tonton Clarinette
Tonton Clarinette, Nick Stone, Folio policier, 2010 (Gallimard, 2008)
Max Mingus, ex-flic, ex-détective privé sort de prison. Sept ans pour homicide. Sa femme, Sandra qui l'avait soutenu pendant cette épreuve vient de mourir d'un accident de voiture. Désabusé, sans envie, il accepte la proposition d'Allain Carver, riche héritier d'un empire industriel haïtien, de retrouver son fils Charlie, disparu depuis deux ans. Pour cela, il devra aller enquêter en Haïti et récoltera une très forte somme d'argent s'il ramène l'enfant. Pas vénal, Max accepte, plus pour le défi et pour l'éloignement de Miami que pour l'argent et s'envole pour Port-au-Prince.
Nick Stone décrit systématiquement les lieux dans lesquels se trouve Max, les intérieurs et les extérieurs, si bien qu'on les visualise très bien. Et comme il décrit également assez précisément tous les personnages, les scènes deviennent de vraies images. On plonge alors dans une Haïti que Max n'imaginait pas. Pourtant connaisseur des ghettos puants et mal famés de Miami, il est stupéfait de l'état de l'île. Port-au-Prince, la capitale, est coupée en deux entre les beaux quartiers, les belles voitures, les villas magnifiques et les quartiers misérables notamment le bidonville de Cité Soleil dans lequel vivent les haïtiens les plus pauvres dans la misère la plus extrême. Et même en l'écrivant comme cela, en sortant de ce bouquin, j'ai l'impression d'être très en dessous de la réalité. Nick Stone, dans tout le déroulement de son livre nous assène des détails sordides qui font froid dans le dos. A Cité Soleil, certaines maisons sont à peine en carton, les sols ne sont que des excréments et de la boue séchés, les gens les plus pauvres y mangent de la terre et des feuilles, ...
Néanmoins, Max travaille pour l'homme le plus puissant de l'île et reste donc en observateur. Nous aussi.
Haïti est aussi le pays de tous les fantasmes concernant le vaudou, les magie blanche et noire, ce que l'auteur se plait à nous rappeler, à nous décrire. Cette véritable religion est au centre du livre, jamais évitée, jamais franchement expliquée non plus, mais qui le pourrait vraiment ? Dans cette croyance, Tonton Clarinette est l'équivalent de notre Croquemitaine.
Max Mingus enquête donc en terrain inconnu pour lui, sur fond de rhum Barbancourt, de Kompas (musique locale), de magie, de disparitions nombreuses d'enfants. Ajoutez une dose de charme évidemment, incarnée par Chantale, salariée de la famille Carver, chevalière servante -néologisme ?- de Max, et vous obtenez donc un gros, très gros roman policier (679 pages en version folio) dans lequel on ne s'ennuie jamais. Les pistes que suit Max ne mènent pas toujours à la vérité, il se fourvoie parfois, mais retombe sur ses pieds. Et nous, simples spectateurs -ou lecteurs- le suivons dans ses erreurs, sans rien dire, et en en redemandant même une petite louche. Je ne dirai pas grand chose de l'enquête qui avance lentement, rebondit et se résoud dans les dernières pages. Tout y est mêlé : le vaudou, le bidonville, l'argent, les disparitions d'enfants, ...
Je ne dirai pas grand chose de l'enquête : personnellement, j'aime bien arriver vierge de tout indice devant un polar -je lis même très rarement les quatrièmes de couverture !-, je serais donc malvenu d'en dévoiler trop pour mes éventuels lecteurs. Sachez simplement que malgré l'épaisseur du livre, j'en aurais bien repris une petite dose supplémentaire. Et pourtant, je ne suis pas fan des pavés livresques, fussent-ils policiers.
Max effectue une vraie performance en étant présent dans toutes les pages du livre ; on a donc une idée assez précise de ce détective privé, et je gage qu'un personnage aussi bien décrit, aussi bien installé dans un premier roman ne pourra que revenir dans une suite d'une ou plusieurs aventures.
Je dois cette très belle découverte au partenariat B.O.B et Folio. Merci à eux.