Savages
Savages, Don Winslow, Ed. du Masque, 2011
Chon, mercenaire amateur d'armes, Ben, docteur en botanique et Ophélia, dite O. forment un trio amoureux. Mais les garçons cultivent aussi un cannabis exceptionnel, le vendent et les bénéfices qu'ils en tirent sont énormes. Tous trois vivent tranquillement, en Californie, entre la drogue, le sexe, l'alcool, et le volley-ball.
Un jour, le Cartel Baja, lui-même grand pourvoyeur de drogue, décide de s'approprier la totalité du marché de la Californie. Ben et Chon refusent, mais le cartel a des moyens de persuasion très efficaces.
Lorsque Anne des éditions du masque m'a envoyé ce livre, un petit mot l'accompagnait disant : "Voici le dernier Winslow, une référence à ne pas manquer !" Je ne vais pas faire mon puritain et dire que je n'aime pas les histoires de drogue et de sexe omniprésents, mais c'est un peu cela tout de même. Disons que ça ne m'intéresse pas plus que cela, que ce n'est pas forcément ce que je recherche dans mes lectures. J'ai donc commencé ce livre avec beaucoup de réserves. Réserves que je gardais tout au long des premières pages. Le langage est souvent cru, direct, les phrases parfois pas finies, bourrées d'acronymes, de mots-valises, de néologismes. Et puis, et puis... Je me suis bien fait avoir. Ce que je peux reprocher au style de l'auteur dans la ligne juste au-dessus est finalement ce qui fait la force du roman. Construit en tous petits chapitres, très rapides, très accrocheurs, le livre est provocant et diablement prenant. Premier chapitre : "Fuck you." (p.11), bon je vous l'accorde, on fait plus léger et plus distingué. Don Winslow dresse le portrait de jeunes gens vivant dans un monde méchant et cruel : les êtres fragiles n'y ont pas place. Chon, le mercenaire
"...se sent
mort d'ennui
en dépression
à la dérive dans sa vie. Sans but devant lui peut-être parce que...
... vous creusez un puits au Soudan, ça n'empêche pas les Janjawid (Milices du Darfour et du Soudan) de débarquer et d'abattre les gens.
... vous achetez des moustiquaires et les garçons que vous sauvez grandissent pour
... violer les femmes
... vous installez de petites entreprises familiales au Myanmar et l'armée
... les vole et utilise les femmes comme esclaves et Ben commence à craindre de très bientôt partager l'opinion de Chon sur l'espèce humaine
A savoir que les gens ne sont au fond que
des merdes." (p.67)
Vous voyez, même la mise en page est étonnante, déroutante et hors normes. Je ressors donc de ce roman un peu groggy, parce que ça cogne dur, parce que les personnages, malgré le monde ultra violent dans lequel ils vivent et qu'ils contribuent à rendre ainsi, sont plus vulnérables qu'ils ne veulent bien le dire et attachants.
Heureusement, pour faire passer la pilule, Don Winslow n'hésite pas à jouer d'humour :
"La dope-sexe de Ben & Chon. [...]
Tout le monde en veut.
Vous filez ça au pape, il jouerait au frisbee avec des capotes qu'il balancerait de son balcon à une foule de fidèles en adoration. Leur dirait d'y aller. Dieu est bon, tirez votre coup. Dieu est amour, envoyez-vous en l'air." (p.134)
Attention donc, si vous mettez le nez dans ce livre, vous risquez de devenir accro. Se déguste jusqu'au bout, jusqu'à la scène finale. Je confirme donc les propos de Anne (merci merci pour le livre) : "Une référence à ne pas manquer !"
Jean-Marc Laherrère a beaucoup aimé aussi.