Putain d'usine et Les fantômes du vieux bourg
Putain d'usine, Efix et Jean-Pierre Levaray, Ed. Petit à petit, 2007
Jean-Pierre Levaray écrit son roman, Putain d'usine, en 2002 (édité chez L'insomniaque). C'est de ce roman qu'est adaptée la bande dessinée dont je parle. Efix est aux dessins.
A eux deux, ils réalisent cette BD, d'un genre très particulier. Particulier, parce qu'elle raconte le quotidien d'un ouvrier d'une usine de produites chimiques, classée Seveso 2. J-P Levaray est, à l'époque où il écrit son livre, ouvrier dans cette usine. Ce n'est pas gai tous les jours : les ouvriers n'ont pas envie de venir bosser ; le livre commence par ces phrases : "Tous les jours pareils. J'arrive au boulot. Et ça me tombe dessus comme un vague de désespoir. Comme un suicide. Comme une petite mort. Comme la brûlure de la balle sur la tempe. On en arrive à rêver que la boîte ferme. Qu'elle restructure." (p.3/4). Le travail est pénible, dangereux et pas du tout motivant. Beaucoup de salariés sont entrés dans cette boîte croyant y faire un bref séjour. Et puis, ça dure. La vie fait qu'il n'est pas toujours facile ou possible de changer. On se réveille 20 ans plus tard en se disant qu'on est toujours là, dans cette usine.
Voilà pour le ton du bouquin, très réaliste, qui décrit formidablement la vie d'un ouvrier au début des années 2000. Une sorte de Zola moderne.
Les fantômes du vieux bourg, Efix et J-P Le varay, Ed. Petit à petit, 2008 : les planches de Efix sont tirées de nouvelles de J-P Levaray, dressant des portraits de gens simples, anonymes qui vivent autour de l'usine, dans le vieux bourg.
Pour le dessin, Efix n'utilise que du noir et blanc, et franchement, comme on dit maintenant : "ça le fait !" Les livres sont découpés en petits chapitres, chacun traité différemment pour le dessin : parfois relativement classiquement, parfois à la manière d'ombres chinoises, alternance de dessins noirs ou gris sur fond blanc et de dessins blancs sur fond noir (personnellement, j'ai un faible pour ces derniers). Efix utilise aussi des photos, des cadrages d'images loin des standards de la BD, des superpositions, des polices d'écritures différentes : tout pour nous attirer l’œil, de belle manière, pour nous happer par son dessin et par le texte de J-P Levaray.
De la BD réaliste, engagée, sociale, ... Quel que soit le terme que l'on puisse utiliser pour ces livres, il est loin de ce que la bande dessinée propose habituellement. Rien que pour cela, ils mériteraient le détour, mais là, on peut les ouvrir en plus pour leurs réelles qualités, autant dans le texte que dans le dessin.
A s'offrir ou se faire offrir : pour ma part, je les ai découvertes sous le sapin. Merci Père Noël et merci Fabrice Vigne, puisque c'est grâce à l'un de ses articles que j'ai eu envie d'ouvrir ces BD. Puissé-je vous donner la même envie !