Pasteurs nomades de Mongolie
Pasteurs nomades de Mongolie, Linda Gardelle, Ed. Buchet.Chastel écologie, 2010
Linda Gardelle est sociologue, spécialiste de la Mongolie qu'elle fréquente très assidûment depuis 1997. Elle connaît donc parfaitement bien son sujet, et cela se ressent à la lecture de ce livre passionnant. Fascinée par ce pays, elle a décidé, aux alentours de 18 ans d'aller y passer quelques mois. Elle y est retournée ensuite une année complète, chez les nomades dont elle a appris la langue. Moi-même très intéressé par ce pays depuis une lecture ancienne d'un dossier de l'excellente revue Animan, consacré aux chevaux des nomades mongols, je n'ai pu, depuis, que lire et regarder quasiment tout ce que je trouve sur ce pays. Je n'y suis pas encore allé, mais peut-être un jour...
Là, je tiens entre mes mains une bible, un travail complet très détaillé et fourni sur la Mongolie et les pasteurs nomades au sein de ce pays. L'histoire de ce pays est liée au nomadisme, de tout temps, autant en remontant à Gengis Khan, Le Fondateur, qu'à l'époque actuelle ; l'Etat mongol veut créer une sorte "d'identité nationale" autour des nomades, les faire symboles de la nation : "Ainsi, un large éventail de symboles patriotiques s'inscrit aux premières loges des fiertés nationales, dont le mode de vie traditionnel (le pastoralisme nomade), mais aussi la religion (le bouddhisme et le chamanisme), une écriture (le mongolo-ouïgour) et des héros flamboyants tels que Gengis Khan, autant d'éléments devenant le support du sentiment identitaire national, une mythologie propre..." (p.87)
1960, la Mongolie devient un état socialiste officiellement même si l'influence et la domination soviétiques sont beaucoup plus anciennes, et ce jusqu'en 1990, date à laquelle le Pays s'ouvre aux marchés et lâche cette emprise socialiste. On pourrait alors croire que tout ira mieux, mais c'est loin d'être le cas pour les nomades qui ont été beaucoup soutenus par l'Etat socialiste et qui se confrontent directement et brutalement au monde de l'offre et de la demande sans aide étatique. "Le système de protection qui avait cours à la période socialiste fait actuellement douloureusement sentir son absence. A cette époque, les familles les plus vulnérables étaient aidées par des prêts, des allocations et des approvisionnements en nourriture. [...] Aujourd'hui, les familles d'éleveurs pauvres en bétail consomment ou vendent peu à peu leur cheptel pour se nourrir et survivre, ce qui compromet durablement les chances d'augmenter leur patrimoine à transmettre et de pouvoir espérer sortir de la précarité". (p.37) L'adaptation au monde moderne n'est donc pas aisée et se fait dans la douleur, néanmoins, depuis la privatisation du bétail, la population nomade augmente ("28% de la population sont éleveurs en 1989, 50% quelques années plus tard en raison de la reconversion des citadins et villageois au pastoralisme". p.64)
Je pourrais vous en faire des tonnes sur ce bouquin, tellement il est fouillé, fourni et passionnant. Mais, d'un commun accord avec moi-même - je me consulte régulièrement pour savoir si je ne dis pas trop de bêtises-, je décide de m'arrêter là, parce que sinon, je vais être très très long. L'idéal pour moi, serait que je vous aie donné le désir de lire ce livre -très accessible bien que ce soit une étude sociologique poussée- qui est en plus agrémenté de quelques très belles photos qui donnent des envies d'aller rencontrer ces gens si loin de nous par leur mode de vie, mais pas tant que cela, car très soucieux de la modernité et ayant accès aux techniques nouvelles leur permettant de se tenir au courant de l'actualité de la société et du monde.
Merci à Denis Lefebvre des éditions Buchet-Chastel. A noter que Linda Gardelle est également l'auteure d'une autre étude du même genre, mais chez les Touaregs maliens : Pasteurs touaregs du Sahara malien, chez le même éditeur, qui me tente bien aussi.