Passion simple

Passion simple, Annie Ernaux, Gallimard, 1991
Une femme raconte sa passion pour un homme. Son désir plus fort que tout qui la fait attendre des heures un coup de téléphone, qui l'empêche de faire fonctionner un appareil électrique bruyant de peur de ne pas entendre la sonnerie.
Tout petit récit d'Annie Ernaux qui cette fois-ci raconte sa passion pour un homme, étranger, marié qui lui accorde un peu de son temps. Elle décrit simplement, crûment, comme à son habitude, ses états, ce que cette passion transforme dans sa vie, l'attente, la peur de rater un rendez-vous, le bien-être lorsqu'il est là et la solitude dès qu'il part rejoindre sa femme. Elle dit aussi ce qui se joue sur son travail d'écrivain :
"Souvent, j'avais l'impression de vivre cette passion comme j'aurais écrit un livre : la même nécessité de réussir chaque scène, le même souci de tous les détails. Et jusqu'à la pensée que cela me serait égal de mourir après être allée au bout de cette passion -sans donner un sens précis à "au bout de"- comme je pourrais mourir après avoir fini d'écrire ceci dans quelques mois." (p.23)
Elle explique également son processus d'écriture : choix du temps (ou plutôt l'imparfait qui s'impose), pourquoi elle écrit sur cette histoire. Je trouve intéressant de pourvoir me glisser un instant dans la peau d'une femme qui attend, soumise au désir de l'homme. Non pas que je vous souhaite mesdames de connaître cet état. Bien au contraire, c'est une situation tellement étonnante pour moi. Je me suis souvent posé cette question lorsqu'on voit, dans les livres, dans les films, ces maîtresses d'hommes mariés les attendre, quémandant un peu de leur temps, comment des femmes, intelligentes, sensées, pouvaient autant renier leur personnalité pour une passion souvent sans vraiment de perspective.
Un récit direct que l'on prend comme tel. Comme souvent chez Annie Ernaux. Pas son meilleur livre. Non par le thème qu'il traite, mais par sa ressemblance avec ce qu'écrit habituellement l'auteure. Et puis, un peu court sans doute, à peine 80 pages. Pas celui qu'il me restera d'elle, mais pas anodin ni inintéressant.