Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Madame Diogène

Publié le par Yv

Madame Diogène, Aurélien Delsaux, Albin Michel,2014..,

Une vieille femme vit recluse dans son appartement. A l'intérieur, elle s'est construit un abri fait de bric et de broc :  des vieux journaux, des immondices qui traînaient, un vrai terrier. Elle ne sort plus de chez elle, est harcelée par les voisins qui ne supportent plus ni les odeurs absolument nauséabondes qui sortent de l'appartement ni la prolifération des cafards et autres vermines qui pullulent et visitent tous les appartements.  

Petit roman (heureusement !) fort bien écrit, même si quelques phrases m'ont posé question, que je trouve bancales, mal construites ou pour le moins maladroites, comme par exemple : "... elle est montée sur une pile de cageots, sur quoi elle avait jadis posé le yucca. Il est tombé voilà longtemps, le pot se brisa." (p.21) Le reste est franchement travaillé, de longues phrases (ce qui peut sans doute expliquer les maladresses dont je parle, écrire une longue phrase n'est pas toujours aisé), très ponctuées, comme j'aime. 

Mais le propos est sombre, gris comme la poussière et le moisi de l'appartement, rouge comme le sang que la vieille voit s'étaler sur la route suite à un accident et noir. Franchement noir. Pas d'espoir. Madame Diogène sombre dans la folie, la paranoïa la plus totale, pas une once de lumière dans ce récit, parfois, rarement, un simple rai sous la porte. Notons tout de même de belles pages sur la perte de l'écriture, du langage :

"Elle voudrait y dessiner les lettres du tract abandonné, non les mots qu'elle n'a pas lus, mais la forme des caractères, traits croisés, superposés, ronds, lignes courbes, diagonales, droites perpendiculaires ou parallèles, et la verticalité des points d'exclamation, et le soleil noir abandonné à leur base, comme une larme, comme un cratère, comme le trou où tout finit. Elle joint ses doigts, sa main contractée fait une grosse araignée, elle trace des lignes verticales, épaisses et grasses. Ce sont des barreaux, des poteaux électriques, des potences, des chemins qui tombent sans aller vers rien, des troncs nus, sans branche ni racine." (p.87/88)

Même lorsque les phrases sont belles, l'ambiance est délibérément noire, opaque, glauque dirais-je même, si l'on isole les mots ou les expressions de ces deux phrases, on flirte avec le désespoir total, le néant : "soleil noir", "larme", "cratère", "trou où tout finit", "barreaux", "poteaux", "aller vers rien", "des troncs nus". Et ce ne sont que deux phrases, longues certes, mais on est loin de la totalité du livre ! Il faut avoir bon moral pour aller au bout de cette lecture, c'est la raison pour laquelle je disais "heureusement" tout à l'heure pour le petit nombre de pages (138), plus serait un calvaire ! Déjà que j'ai failli abandonner avant la fin, mais je me suis accroché ; ça m'a rappelé une lecture terrible que j'avais faite -pas jusqu'au bout- de Chloé Delaume, Dans ma maison sous terre, un des rares bouquins que je crois même avoir jeté !

Madame Diogène ne met pas à l'aise, ce livre dérange, déstabilise, et je ne le conseille qu'aux gens optimistes de nature, comme moi. Une femme qui me hantera sans doute dans un bouquin qui laisse comme un goût de "je ne sais pas si j'ai aimé" et qui devrait faire sensation dans cette rentrée littéraire. Aurélien Delsaux signe là son premier roman. Et il a une belle plume.

 

 

rentrée 2014

Commenter cet article
D
Bonjour Yv, merci pour ce billet à propos d'un roman sur une personne qui pourrait me rappeler (de loin) quelqu'un dont je me suis occupée. Bon dimanche.
Répondre
Y
<br /> <br /> Bonjour Dasola, je n'ose imaginer la situation...<br /> <br /> <br /> A bientôt<br /> <br /> <br /> <br />
E
Malgré la belle plume, je passe mon tour, pas pour moi non plus !
Répondre
Y
<br /> <br /> Je comprends<br /> <br /> <br /> <br />
C
Salut Yves<br /> Le côté bunker sale, tanière glauque, tonneau de Diogène mal entretenu, je vais passer mon tour et rester avec mes (propres) états d'âme. Amitiés.
Répondre
Y
<br /> <br /> Salut Claude,  cela aurait pu être une lecture à conseiller si une once d'espoir y apparaissait, mais rien, je pense qu'il vaut mieux rester avec un bon polar, même très noir...<br /> <br /> <br /> Amicalement,<br /> <br /> <br /> <br />
A
Ce n'est clairement pas pour moi !
Répondre
Y
<br /> <br /> pour moi non plus<br /> <br /> <br /> <br />
A
Le titre me tentait bien, mais si tu dis qu'il vaut mieux être optimiste.....
Répondre
Y
<br /> <br /> Je confirme, sinon c'est la déprime assurée<br /> <br /> <br /> <br />
Z
J'attendrai donc de bonnes nouvelles pour le lire
Répondre
Y
<br /> <br /> Fais le plein avant<br /> <br /> <br /> <br />
L
Pas tenté à cause de l'odeur qui s'en dégage.<br /> Amicalement<br /> Le Papou
Répondre
Y
<br /> <br /> Je te comprends, à lire avec une pince à linge sur le nez...<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
K
Hum, ce roman m'a un peu fait peur (je suis optimiste de nature aussi, OK, mais d'autres romans m'attiraient)L'effet Larsen de D Bertholon m'avait aussi laissée épuisée... Sinon, je viens<br /> d'emprunter Duane est dépressif et un bouquin où l'auteur raconte sa dépression. M'enfin.
Répondre
Y
<br /> <br /> Ouf ! Bon courage, après cela, il faudra un bon roman léger et drôle<br /> <br /> <br /> <br />
C
Abandonné pour l'instant mais ton billet me donne envie 1/ de le reprendre 2/ de lire le texte de Delaume ! :) c'est malin ! :)
Répondre
Y
<br /> <br /> Ah ? Tu es étrnge, j'aurais parié sur une réaction contraire<br /> <br /> <br /> <br />