Les montagnes bleues
Les montagnes bleues, Philippe Vidal, Ed. Max Milo, 2014....
Jamaïque, 1700, Christian est esclave dans la plantation de John Fenwick. Esclave particulier, car lorsqu'il était enfant, il a sauvé de la noyade son maître actuel, enfant lui aussi. En reconnaissance, le père de John a pris Christian à ses parents, l'a confié au même précepteur que John, ils ont été instruits, éduqués, élevés ensemble, Christian restant tout de même un esclave. Lorsque le jeune homme surprend une conversation entre John et son contremaître visant à se séparer brutalement des esclaves devenus inutiles suite à un ouragan qui a détruit la plantation, Christian sait qu'il doit s'enfuir, car seul témoin de ce plan terrible il risque la mort. Il part alors dans les montagnes bleues cherchant un des villages que des noirs enfuis des plantations ont créés.
On a tous lu ou vu des livres ou des films sur l'esclavage : La case de l'oncle Tom, Racines, pour les plus anciens, Django Unchained ou 12 years a slave pour les plus récents. Ce roman est nourri de tout cela évidemment, il n'évite pas les bons sentiments, la romance, quelques grosses ficelles, mais une fois commencé on ne s'arrête plus, les 430 pages passent rapidement avec l'envie de connaître le dénouement, le souhait que Christian et les siens s'en sortent comme dans un film hollywoodien, qu'il se marie avec Mo et qu'ils aient beaucoup d'enfants et qu'enfin, les esclaves soient reconnus en tant qu'individus par les blancs qui dirigent la Jamaïque ! Evidemment, tout ne se passera pas comme cela et c'est tant mieux. D'abord parce que l'auteur se base sur des faits historiques et qu'il ne peut les tordre pour qu'ils collent à son histoire et ensuite, parce que même si en lisant on souhaite une fin heureuse, si elle advenait -dans les termes que je donnais plus haut- on crierait au scandale de la mièvrerie et de la bluette !
Cette introduction finie, je vais être direct, j'ai beaucoup aimé ce roman, mais vous l'aviez déjà compris. Un roman d'aventures, "une épopée magistrale sur un fond historique méconnu" (4ème de couverture). Tous les ingrédients sont là, bien mélangés, habilement dosés qui donnent un livre bien qu'épais, très digeste, on en redemande même, pas question de régime. L'amour, l'amitié, la trahison, les rivalités, la jalousie, la soif de connaissance, la peur de l'autre, l'abominable supériorité des blancs, l'abominable vie des esclaves, la mort, ... P. Vidal évite un manichéisme un peu facile, il ne fait pas de tous ses personnages blancs des "méchants" et des tous ses personnages noirs des "gentils", tous ont une part sombre et une plus avouable. Bien sûr, on est quand même plus dans l'empathie pour Christian et les siens que pour les planteurs et les contremaîtres qui prennent du plaisir à fouetter les esclaves, le contraire aurait été insupportable.
Son histoire est située en Jamaïque et historiquement avérée, un clin d'œil est finement amené en toute fin de volume à Nanny, l'une des héroïnes de la lutte contre l'esclavagisme dans ce pays (en cliquant ici, vous avez l'histoire de cette femme). Les esclaves qui parvenaient à s'enfuir des plantations de canne à sucre se réfugiaient dans les montagnes bleues et créaient des communautés dont certaines ont ensuite réussi à libérer d'autres esclaves.
Alerte et maîtrisé de bout en bout, ce roman se savoure avec plaisir et me permet de renouer avec les romans d'aventures de mon enfance et de mon adolescence. Vraiment, j'ai pris beaucoup de plaisir à le lire et je vais le conseiller aux enfants et adultes de la maisonnée voire plus largement.