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Léna

Publié le par Yv

Léna, Virginie Deloffre, Albin Michel, août 2011

"Léna est née dans le Grand Nord sibérien. Elle aime plus que tout la brume, la neige, l’attente et l’immobilité, qui n’ont ni couleurs ni frontières. Son mari Vassia, pilote dans l’armée de l’air, n’a qu’un rêve : poursuivre la grande épopée soviétique de l’espace dont Gagarine fut le héros et qui reste l’immense fierté du peuple russe.
Comment acclimater leur nature profonde, leurs sentiments et leur vision du monde si différents en ces temps incertains de la perestroïka qui voit s’effondrer leur univers ?" (4ème de couverture)
Voilà, tout est dit dans ce résumé, je n'ai plus qu'à signer et hop, mon article est fini.  Mais vous savez que je ne suis pas comme ça, j'ai forcément des petites choses à dire sur ce livre. Et même de grands choses.
Léna est l'attente personnifiée. Vassia son mari est souvent absent, de longues semaines et revient sans crier gare. C'est ce qu'aime Léna, ces imprévus. Pour combler l'absence, elle travaille, bien sûr, mais elle aime se perdre dans les files d'attente des magasins, elle observe l'orme de la cour, elle , la fille du Grand Nord, peu habituée à cette nature et elle écrit à Dimitri et Varvara qui l'ont élevée à la mort de ses parents. Varvara est une vague vieille cousine et Dimitri est l'homme qui vivait chez elle, que le Parti a puni en l'envoyant dans cette contrée inhospitalière qu'est la Sibérie. Ses lettres sont très belles, mélancoliques, poétiques. Varvara la bonne vieille paysanne russe, très prosaïque, pragmatique n'y comprend pas tout et le fait entendre à Dimitri :
"Mais alors je vous assure, quel galimatias ! Elle peut pas parler comme tout le monde, non ? Des manières poétiques de s'exprimer, que vous dites. C'est drôle comme cette enfant vous a toujours rendu andouille. Petite, il suffisait qu'elle s'assoie sur une chaise pour que vous deveniez tout à fait bourrique. Parce qu'elle remuait à peu près autant qu'une souche au milieu de la forêt, vous la trouviez admirable." (p.76)
Chaque chapitre de la première partie commence par une de ces lettres, puis, à la suite, l'auteure énonce la vie de Léna, et celle de Mitia et Varia (les diminutifs de Dimitri et Varvara) : c'est l'Histoire de la Russie depuis les années 20 racontée par des témoins directs. Et puis, tout cela est ponctué par l'histoire de la conquête spatiale racontée par Vassia. Et le talent de Virginie Deloffre -dont c'est le premier roman- est de m'intéresser, que dis-je de me ravir avec un domaine qui, a priori n'est pas ma tasse de thé. Les étoiles, les constellations et les gens qui vont les voir de près, ça me passe au dessus de la tête, si je puis me permettre de dire.
Et c'est maintenant que je place mon dithyrambe, mon "enthousiasme excessif" comme ils disent dans le dictionnaire sur l'écriture de l'auteure. J'ai été happé par son style, ses phrases magnifiques racontant l'attente de Léna et décrivant la Sibérie, arrière plan du roman, omniprésent, pesant, lourd, oppressant, mais inoubliable, et ses habitants, notamment les Nénètses, peuple nomade éleveurs de rennes.
"La terre et la mer se confondent, uniformément blanches et plates l'une et l'autre, sans ligne de fracture visible. L’œil porte si loin dans cette blancheur, qu'on croit percevoir la courbure de la terre à l'horizon. A ce point d'immensité l'espace devenait une stature, imprégnant chacun des êtres qui l'habitent, une irréductible liberté intérieure qui fait les hommes bien nés, les Hommes Véritables, ainsi que ces peuples [les Nénètses] se désignent eux-mêmes." (p.85)
Même lorsqu'elle parle des immeubles soviétiques et de leur manque de grâce, elle n'en manque pas elle (de grâce) :
"C'est la fameuse Laideur Soviétique, inimitable, minutieusement programmée par le plan, torchonnée cahin-caha dans l'ivrognerie générale, d'une tristesse inusable. Un mélange d'indifférence obstinée, de carrelages mal lavés, de façades monotones aux couleurs uniques -gris-bleu, gris-vert, gris-jaune-, témoins d'un probable oukase secret ordonnant le grisaillement égalitaire de toutes les résines destinées à la construction du socialisme avancé. Un genre de laideur qu'on ne trouve que chez nous, que l'Ouest n'égalera jamais, malgré les efforts qu'il déploie à la périphérie de ses villes " (p.49/50)
Un roman qui se déguste lentement, au rythme de Léna pour bien en apprécier toutes les subtilités de sa langue. Un roman qui parle d'une région attirante, fascinante, d'un pays aux fortes traditions et de la fameuse âme russe. A certains moments, j'ai cru être plongé dans un roman d'Andréi Makine, notamment celui que je préfère : La femme qui attendait. Et bien, sûr, c'est pour moi un compliment que de le dire.
Mon troisième roman de la Rentrée Littéraire. Merci Flora et Paola et Albin (Michel)
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S
Je viens tout juste de le terminer, j ai adoré l ambiance que dégage la petite maison où vivent les deux "vieux" , l immobilisme de Lena et l amour que lui porte son mari me fait poser la question<br /> suivante : "Est-ce qu il ne l'a pas choisi justement parce qu il était certain qu elle Celle qui saurait l attendre? " Chaque chapître est très bien écrit et décrit (certains nous touchent moins<br /> que d autres, nous ne sommes pas tous portés par la conquête de l espace!) mais c est un livre à lire à chaud sous sa couette, on ne sera pas dépaysé en cette période de froid sibérien, c est le<br /> livre qu il nous faut aujourd hui.
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Y
<br /> <br /> L'a-t-il choisie délibérément ou le choix est-il "intuitif", l'a-t-il reconnue entre toutes comme étant celle qui l'attendra ? Certains expliquent la rencontre par la chimie, laisser en suspends<br /> les raisons de celle-ci est quand même plus romanesque et propice aux interprétations. <br /> <br /> <br /> Alire effectivement sous la couette ou alors devant un feu de bois, au chaud de toute manière ; c'est probablement pour moi parmi ce que j'ai lu de meiux de la rentrée littéraire de septembre !<br /> <br /> <br /> <br />
A
<br /> J'ai trouvé le style de ce livre assez lourd (de temps en temps un "ça" ou un "ce" aurait été préféré aux éternels "cela", entre autres). Ou alors c'est le côté attente qui m'a ennuyée ? En tout<br /> cas, j'ai trouvé que c'était une belle histoire, mais difficile à lire pour ma part.<br /> <br /> <br />
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Y
<br /> <br /> Ah oui, pourtant assez sensible aux lourdeurs, là je n'en ai pas vu. Mais j'ai pu passer à côté. Cette attente m'a bien plu à moi.<br /> <br /> <br /> <br />
I
<br /> J'avais lu la quatrième de couverture et m'étais dit que je pouvais passer mon chemin. Maintenant, si tu me prouves par a+b qu'il y a dans ce roman tout ce que j'aime alors que j'étais persuadé du<br /> contraire, je deviens quoi, moi ?<br /> <br /> <br />
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Y
<br /> <br /> Tu deviens un mec qui ne sait plus s"il a tort ou raison de lire ou de ne pas lire Léna. Et tu ne peux pas savoir le plaisir que j'ai à te mettre ainsi dans le doute . Bon courage quand même !<br /> <br /> <br /> <br />
A
<br /> Moi je suis convaincue, mais j'attends en général la sortie poche, sauf quand le livre voyage ou autre ! Je le note car j'aime les ambiances "russes", l'âme slave n'est pas morte sous les chars<br /> soviétiques, dirait-on...<br /> <br /> <br />
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Y
<br /> <br /> Eh non, même si celle-ci est franco-russe !!!<br /> <br /> <br /> <br />
C
<br /> S'il croise ma route, pourquoi pas ?<br /> <br /> <br />
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Y
<br /> <br /> Ah, mon enthousiasme n'est pas très convaincant...<br /> <br /> <br /> <br />
M
<br /> Je l'avais repéré et j'ai plaisir à lireton billet qui sort des sentiers battus de la semptiternelle rentrée littéraire.<br /> <br /> <br />
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Y
<br /> <br /> J'espère faire différent, mais pourtant, je suis moi aussi en plein dans cette fameuse rentrée, pour la première fois, avant, je la regardais de loin, lisant de temps en temps un roman par ci par<br /> là. Mais là, je fais de belles découvertes et de nettement moins intéressantes aussi. Et puis, j'évite les "stars"<br /> <br /> <br /> <br />
M
<br /> Voilà une critique dithyrambique qui est (presque) contagieuse. Je regarderai ça de plus près !<br /> <br /> <br />
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Y
<br /> <br /> J'ai vraiment beaucoup aimé l'écriture et l'atmosphère qui se dégage de ce livre. <br /> <br /> <br /> <br />
A
<br /> J'aime beaucoup les extraits que tu as choisis. Je ne suis pas passionnée par la conquête spatiale, mais il me semble que c'est bien autre chose aussi. Je le note en le plaçant assez haut dans mes<br /> envies de rentrée.<br /> <br /> <br />
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Y
<br /> <br /> Les étoiles, l'espace et tout ce qui s'y rapporte ne m'intéressent pas non plus, mais ce rman est beaucoup plus que cela. La preuve, je l'ai aimé malgré ce contexte pas vraiment attirant.<br /> <br /> <br /> <br />