Le sommeil délivré

Le sommeil délivré, Andrée Chedid, Flammarion, 1952
Samya, jeune femme égyptienne tue son mari de deux coups de revolver. Elle est handicapée, ne peut marcher et garde le lit depuis plusieurs années. Ainsi débute le roman. Ensuite, flash-back, Samya raconte son histoire de petite fille en Egypte, puis de très jeune femme -15 ans- mariée de force à un homme beaucoup plus vieux qu'elle, qui la délaisse et préfère de loin la gestion de son domaine.
Andrée Chedid raconte une vie tragique, un destin de femme brimée, obligée au silence et à l'obéissance aveugle aux hommes : père, frères ou mari. C'est terrible parce qu'on sent que Samya a de nombreuses envies, beaucoup de rêves et des capacités à les réaliser, mais rien ne pourra lui permettre de passer outre les choix de son père d'abord et de son mari ensuite. Ce roman écrit en 1952 a de cruels retentissements en ce début de XXIème siècle !
Dans une langue classique, qui décrit admirablement le pays, les odeurs et les personnages -notamment les femmes, parce que malgré ce que croient les hommes, ce sont elles qui font la vie des villages-, l'auteure livre un roman prenant, "pur et sobre", dans la lignée de ce que j'ai déjà lu d'elle, il y a longtemps : L'enfant multiple (très bon et très beau roman) et surtout : L'autre (absolument magnifique et gracieux) ; j'ai d'ailleurs maintenant très envie de les relire.
Andrée Chedid sait décrire les petites gens du Moyen-Orient, les situations tragiques (femmes brisées, guerres, attentats, ...). La lecture de ses livres me laisse toujours une impression de mélancolie, de "tristesses surannées" comme dit Bashung dans Tant de nuits (dans l'album Bleu Pétrole). Pas le côté plombant de certaines œuvres d'autres auteurs, mais cette petite musique à la fois belle et mélancolique qu'on a envie de retrouver. Un peu comme dans les chansons de Bashung pour reprendre ma citation musicale.