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Le diable au creux de la main

Publié le par Yv

Le diable au creux de la main, Pascal Manoukian, Éd. Don Quichotte, 2013....

Pascal Manoukian est journaliste. Il a couvert beaucoup de conflits : du Guatemala à l'Afghanistan en passant par le Cambodge. Il est aussi allé dans les pays de l'autre côté du mur avant et après que celui-ci est tombé : en Pologne, à Gdansk, pour rencontrer Lech Walesa, à Sarajevo pendant la guerre. Arménien, il met aussi en avant le génocide dont les siens furent victimes en 1915 : il le raconte notamment par les souvenirs d'Araxie, sa grand-mère.

Ce livre n'est pas un roman mais un récit des aventures de Pascal Manoukian journaliste. Je ne suis pas un amateur des journaux télévisés depuis très longtemps, car je pense qu'ils ne font plus leur devoir d'informations mais qu'ils sont liés à l'audimat et qu'ils font dans le sensationnel, dans l'exagération systématique pour appâter le téléspectateur. Des centaines d'exemples peuvent argumenter ma théorie. Le dernier en mémoire, c'est par exemple l'élection cantonale à Brignoles. C'est tout sauf une info qui doit mobiliser tous les médias pendant des jours et des jours, ou alors éventuellement au France 3 région PACA, et ce, d'autant plus que cette élection avait déjà été gagnée par ce parti puis invalidée en 2011, et à l'époque, ça n'avait pas fait autant de gros titres. Mais les JT savent que parler du FN en ce moment fait monter l'audience et malheureusement et accessoirement, les intentions de vote en faveur du parti d'extrême droite. J'ai donc déserté les JT depuis longtemps, et commence à faire de même pour les journaux radio qui prennent la même voie. Je préfère et de loin des émissions de reportages ou de débat autour d'une question (tel 28 minutes sur ARTE, à laquelle P. Manoukian a participé -je l'ai raté-, ou l'inoxydable Envoyé Spécial que j'avais un peu délaissé ces dernières années). Je ne suis pas un grand fan de l'info, je n'aurai jamais pu être journaliste, mais je dois dire que le récit de P. Manoukian est passionnant. Très détaillé tant dans les rencontres avec des bourreaux qu'avec des victimes, mais aussi dans les manières de pénétrer un pays en guerre et/ou totalement fermé avec son lot d'échecs et de retours à la maison, dans les frustrations d'un interview qui n'aboutit pas parce que la personne en face ne se dévoile pas, dans les peurs de mourir sous une balle d'un sniper, dans les désirs de parfois passer la barrière pour aider les plus faibles toujours contenus pour rester un journaliste, un témoin, ... Pascal Manoukian explique toujours en amont le conflit qu'il va couvrir, ce qui est une excellente idée parce que malheureusement, parfois on ne sait plus ce qui l'a déclenché. Il n'élude pas ses peurs et ses angoisses, ses questionnements sur le bien-fondé de ses reportages alors qu'une femme et des enfants l'attendent en France. Il fait également souvent le lien avec le génocide arménien dont sa grand-mère fut une victime bien qu'elle en réchappât. Elle dut se battre, encore enfant, elle "rampait jusqu'à la limite du camp et ramassait le crottin laissé par les chevaux des officiers. Dans le noir, elle le décortiquait des restes d'orge et de blé pour en confectionner des boulettes qu'elle forçait dans la gorge de Nazélie [sa sœur]. Puis elle s'enduisait le visage et le sexe avec le reste pour éloigner les violeurs." (p.180/181)

Un peu long parfois, ce livre se lit comme une suite de nouvelle : des petits reportages sur des pays et des gens ravagés par la guerre et l'oppression, par la volonté de certains de mettre en pratique des théories ahurissantes. Le chapitre D'un miroir à l'autre 1984 consacré au Cambodge est particulièrement dur et touchant. Pascal Manoukian y arrive après le règne des Khmers rouges, mais tout est encore très imprégné de peurs, de désespoir : "Le pays est alors assommé, anémié, amputé, blessé de toutes parts. Les survivants squelettiques se demandent encore comment leurs propres parents, leurs propres enfants, ont pu creuser autant de fosses communes et y précipiter autant de frères et de sœurs. Comment la moitié du peuple a pu anéantir l'autre moitié et, surtout, comment désormais survivre à cet inceste criminel." (p.108) En la matière, le régime de Pol Pot fut sans doute l'un des pires, qui a massacré la moitié de son peuple sans raison, parce qu'untel portait des lunettes, parlait une langue étrangère, portait une montre, ...

Pas reposant, mais très instructif et passionnant, c'est un livre qui montre le difficile travail des journalistes de guerres (on vient de la constater encore douloureusement ces derniers jours) et qui permet de refaire le point sur des conflits parfois oubliés, parce que l'info va vite et que d'autres guerres les remplacent tout aussi meurtrières, toujours pour des questions de territoires ou de religion, des histoires d'hommes parce "qu'un génocide c'est masculin, comme un SS un torero. Dans cette putain d'humanité les assassins sont tous des frères." (Renaud, Miss Maggie)

 

rentrée 2013

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G
Beau billet. Ce livre est certainement enrichissant, mais pas pour moi. Même si différent puisque roman, je ne suis pas encore remise de ma lecture du Quatrième Mur de Chalandon. Pas prête à<br /> retourner dans toutes ces horreurs.
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Y
<br /> <br /> C'est vrai que ces livres romans ou récits sont durs et qu'on peut éprouver le besoin de se reposer entre deux du genre, ceci dit, je n'ai pas encore lu le Sorj Chalandon, mais c'est prévu<br /> <br /> <br /> <br />
Z
Alex, pourquoi regretté, Renaud est mort ??<br /> Quant à ce livre, c'est sûrement très instructif
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Y
<br /> <br /> Bein oui, c'est vrai ça, t'es médisante<br /> <br /> <br /> <br />
A
Ah, notre regretté penseur Renaud.....
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Y
<br /> <br /> RIP<br /> <br /> <br /> <br />