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La dernière ronde

Publié le par Yv

La dernière ronde, Ilf-Eddine, Ed. Elyzad, 2011

"Un champion d'échecs russe participe à un tournoi qualificatif pour le titre mondial. Au fur et à mesure des parties, comme monte progressivement un suspense intense, l'homme vieillissant se remémore les étapes importantes de sa vie : ses succès de jeunesse, sa découverte du haut niveau, ses années de labeur auprès de Karpov, puis son exil en France, loin de cette URSS qui a façonné son destin." (4ème de couverture)

Une ronde est une partie d'échecs dans un tournoi ; celui-ci en comportant 11 par joueur. Etant donné le thème de ce livre, on ne peut s'empêcher de penser au début au moins, à Stefan Zweig et son livre Le joueur d'échecs, référence prestigieuse, mais point comparaison. Voilà un jeune auteur qui fait preuve d'une belle maîtrise de son sujet : le suspense monte en douceur, mais sûrement, jusqu'à son acmé : la onzième ronde, la dernière ! Son personnage vieillit et entre deux parties, et même pendant ses parties se replonge dans sa vie. Il revoit son premier mariage, son divorce, ses enfants restés en Russie : "je pensais souvent à eux, je me demandais comment ils s'épanouissaient physiquement et  intellectuellement... Je réussissais à avoir de leurs nouvelles par des amis restés au pays et j'essayais de leur en donner des miennes... Mais je ne peux pas dire qu'ils me manquaient. [...] Pourtant j'aimais -j'aime toujours mes enfants" (p.137) Cet homme n'a vécu que pour et par sa passion, les échecs. Tout ce qu'il a fait à côté était pour avoir une position sociale ; il n'a rien regretté, n'a fait de mal à personne mais au fond de lui, rien n'a atteint la puissance de ce jeu.

Remarquablement écrit, ce roman tient en haleine jusqu'au bout et même pour un ignare dans ce jeu -je ne connais que très vaguement le déplacement des pièces- il est passionnant. Même les détails des parties jouées, avec les cases nommées, les phases de jeu décortiquées ne m'ont pas rebuté. Je les ai lus vite non pas parce qu'ils ne sont pas intéressants, mais parce qu'ils font monter le suspense, même si je suis bien incapable de visualiser la partie avec ces indications de l'auteur (un amateur d'échecs y trouvera sans doute son compte voire y prendra son pied !)

Un premier roman qui dresse le portrait d'un homme vieillissant, solitaire, qui a tout donné à sa passion et qui veut encore lui donner beaucoup, jusqu'à la fin, un homme qui se sent décliner irrémédiablement, un vieil homme très attachant et bien décrit : je peux là saisir les raisons qui font que cet homme passe à côté des autres sans s'y intéresser : lui-même n'y peut rien, sa passion est la plus forte. Belles phrases, souvent longues, sens de la construction de la phrase, Ilf-Eddine montre un style personnel travaillé et abouti.

Pour vous donner encore plus envie, voici le premier paragraphe de ce roman, que personnellement, je trouve très beau et qui annonce joliment la suite :

"Sur l'ensemble de ma vie, j'ai dormi à l'hôtel aussi souvent que chez moi. J'ai connu des établissements modestes, mal chauffés et vétustes, et d'autres, luxueux, qu'ils soient cathédrales soviétiques ou emblèmes impersonnels de la mondialisation. A chaque fois, j'ai aimé l'apaisement procuré par cette clé que l'on vous tend, cette porte qui s'ouvre, cette chambre qui s'offre à vous" (p.11)

Merci Elisabeth, de la maison Elyzad, qui décidément édite de très beaux textes. Moi qui aime l'originalité du propos, surtout lorsqu'il est servi par un style, là, je suis servi.

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A
<br /> Merci du tuyau ! J'irais voir ça promis, dès que j'ai 5mns !!^^<br /> <br /> <br />
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Y
<br /> <br /> 5 mins, ce sera un peu court.<br /> <br /> <br /> <br />
A
<br /> En général j'aime les romans avec beaucoup d'action, mais aussi parfois ceux qui sont calmes et partent dans les souvenirs. Je pense que ce roman me plairait :)<br /> <br /> <br />
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Y
<br /> <br /> J'ai beaucoup aimé l'écriture : le texte est vraiment très beau.<br /> <br /> <br /> <br />
A
<br /> Ton billet enthousiaste donne envie mais a-t-on une chance de le voir sortir en poche et/ou si ce n'est le cas, le prix est-il raisonnable, quand on n'a pas de contact avec les éditeurs, hein ??<br /> <br /> <br />
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Y
<br /> <br /> Il est vrai que les envois d'éditeurs ne plombent pas le budget lecture. ce livre coûte 17.9€, mais Elyzad a aussi des poches très bien (pas celui-ci encore) moitié moins chers. Va voir sur leur<br /> site (le lien est sur mon blog). Le paradis des femmesde Ali Bécheur et Tes yeux bleux occupent mon esprti, de djilali Bencheikh entre autres dont je parle.<br /> <br /> <br /> <br />
Z
<br /> Le lien avec Zweig est en effet inévitable mais ton article donne envie de découvrir ce texte, même si je ne suis pas non plus une experte des échecs. Si j'ai bien compris, l'auteur est français?<br /> Difficile à identifier avec son nom...<br /> <br /> <br />
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Y
<br /> <br /> un livre qui mérite vraiment d'être lu, ne pas connaître les échecs n'est pas un frein. Eh oui, l'auteur est Français et le texte est écrit en français, Elyzad est une maison d'édition basée à<br /> Tunis.<br /> <br /> <br /> <br />