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La boîte aux lettres du cimetière

Publié le par Yv

La boîte aux lettres du cimetière, Serge Pey, Zulma, 2014...,

Trente-trois nouvelles assez courtes sur l'enfance aux temps de la dictature franquiste. Le narrateur est tour à tour enfant qui vit dans le sud de la France de parents exilés, communistes ou anarchistes recherchés par la police espagnole voire condamnés à mort (quatorze fois pour Papa), adulte, marié et père qui assiste à l'enterrement d'un poète SDF dans une nouvelle franchement drôle. Les histoires s'enchaînent cruelles, dures, tendres, drôles, légères voire même triviales.  

Comme je l'écris plus haut ces nouvelles sont très différentes les unes des autres avec des points communs : le narrateur, l'Espagne et la fuite, la famille, les amis, les questions d'enfants. On retrouve même des personnages rencontrés dans le livre précédent de Serge Pey, Le trésor de la guerre d'Espagne, comme Chien qui est l'un des enfants torturés, obligé d'élever un chiot, d'en prendre soin et de le tuer dans la nouvelle Le morceau de bois. Serge Pey joue avec les mots, les sons rendant son texte parfois abscons pour un esprit cartésien comme le mien, mais ça ne dure que quelques phrases ou une très courte nouvelle. On peut passer de la trivialité la plus terre-à-terre (Les chiottes) à la poésie (La bibliothèque double, en continuité de La bibliothèque blanche du recueil précédent). J'ai coché largement plus de la moitié des titres comme étant les nouvelles qui m'ont le plus touché, preuve s'il en est de la qualité de ce livre qui commence avec une histoire sur la porte d'entrée toute neuve qui servira un temps de table à manger pour permettre à tous les arrivants de s'installer et finit avec cette même porte dans un ultime usage : "Une porte n'est pas un morceau de bois, elle est simplement une gardienne qui recueille des mots de passe. [...] Les portes nous abandonnent quand on ne sait plus entrer dans leur maison. Les portes nous aiment quand on ne les ferme pas." (p.200)

Serge Pey parle d'un monde oublié, post-guerres ou durant icelles, guerre d'Espagne, seconde guerre mondiale, un monde rural, dur parce que les hommes et les femmes qu'il met en scène sont recherchés, exilés, qu'ils vivent de peu, travaillent beaucoup ; néanmoins, il y a beaucoup de tendresse, de la nostalgie, de la violence aussi, de l'amour, de la solidarité, des trahisons. Vous ne résisterez pas aux explications étymologiques de L'étoile rouge de Moscou ou de Hôpital Varsovie. Ni à l'humour parfois étonnant :"Personne ne sait pour quoi Papa attache ses dents qui tombent par un fil à un barreau de la salle de bain. Est-ce par un goût affirmé pour les vieux rituels sorciers venus des montagnes, pour conjurer les voleurs, ou tout simplement son penchant naturel pour l'esthétique ? Le fait est que les dents de Papa, devant la fenêtre de la salle de bain, sont du meilleur effet. Ce furent mes premières installations. Les artistes d'avant-garde ne m'ont jamais étonné. J'avais le musée d'art contemporain à la maison, mais je ne savais pas ce qu'était l'art, et encore moins les secrets cachés d'une chambre des merveilles." (p.73/74). Serge Pey a des trouvailles absolument formidables, des associations d'idées, des collisions de mots ou d'expressions improbables qui font mouche, qui font poésie : "La poésie défait les nœuds de la pensée." (p.57), tout cela avec simplicité dans le choix des mots, dans leur assemblage dans les phrases. : "La poésie doit être simple." (p.57) Et on ne dira jamais assez de bien sur ce titre qui est aussi celui d'une nouvelle avec une belle idée de Papa et sur les couvertures toujours aussi belles de Zulma.

Hélène, de Lecturissime en parle également, on a même failli en faire une lecture commune, mais c'est tout comme...

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C
Première fois que j'entends parler de ce recueil... merciiii!
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Y
<br /> <br /> Et le précedent était très bien aussi<br /> <br /> <br /> <br />
N
J'aime de plus en plus les nouvelles, je ne peux que noter ! Je file lire l'avis d'Hélène !
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Y
<br /> <br /> Bonne lecture alors. Pour les nouvelles, Un paysage Ordinire de Derek Munn dont j'ai parlé il y a quelques jours est très bien aussi<br /> <br /> <br /> <br />
D
Bonjour Yv, je l'ai repéré aujourd'hui même chez un libraire, j'aime beaucoup le titre. Je ne savais pas que c'était des nouvelles, cela m'intéresse rien que l'arrière plan historique. Bonne<br /> après-midi.
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Y
<br /> <br /> Bonjour, c'est vrai que la couverture ne passe pas inaperçue, on le repère vite...<br /> <br /> <br /> A bientôt<br /> <br /> <br /> <br />
A
Deux bons avis sur ce titre, cela ne se refuse pas.
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Y
<br /> <br /> Surtout que ce n'est pas un livre qui fera les couvertures des grands magazines<br /> <br /> <br /> <br />
K
Ton avis et celui d'Hélène me convainquent !
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Y
<br /> <br /> Chouette !<br /> <br /> <br /> <br />
A
C'est bien tentant de ce que tu dis de ces nouvelles, d'autant plus qu'Hélène est aussi séduite que toi. Je retiens.
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Y
<br /> <br /> Oui mais Hélène et moi, c'est une longue histoire... de lectures<br /> <br /> <br /> <br />
B
.... Choplin vaut le détour. J'ai "re-entendu/revu" ce petit bijoux-livre récemment dans un théâtre-poche.... et cela gardait sa force....
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Y
<br /> <br /> J'en ai lu un ou deux de lui, il me semble...<br /> <br /> <br /> <br />
B
Merci pour cette recommandation. L'extrait de la "porte" me fait (bizarrement?) penser au petit livre de Antoine Choplin "La nuit tombée" ou une porte joue un rôle primordial....
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Y
<br /> <br /> Ah, je n'ai pas lu ce livre d'Antoine Choplin, mais celui de Serge Pey est à découvrir<br /> <br /> <br /> <br />