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L'odeur du minotaure

Publié le par Yv

L'odeur du minotaure, Marion Richez, Ed. Sabine Wespieser, 2014...,

Histoire de l'ascension fulgurante d'une jeune fille, Marjorie, qui petite se blesse à une barrière de fils barbelés, il lui en restera une légère marque ; brillante élève, elle entrera dans les écoles les plus prestigieuses, sera propulsée "plume" d'un ministre. Un jour sa mère l'appelle et la prévient que son père est mourant. Marjorie n'a pas revu ses parents depuis très longtemps. Néanmoins, elle prend sa puissante voiture, roule vite et un violent choc sur une route départementale la bouleverse, elle pourtant si sûre d'elle-même, si implacable. Elle vient de renverser et tuer un cerf majestueux. 

Un court roman en deux parties distinctes. D'abord celle consacrée à l'ascension de Marjorie. Elle réussit brillamment les examens, entre à l'ENA, se permet de quitter un jeune homme de très bonne famille -elle la jeune fille issue d'un milieu modeste- auquel elle était fiancée mais qui la fatigue et qu'elle finit par détester voire mépriser. On la retrouve alors dans le cabinet d'un ministre, froide, déterminée, ambitieuse, travailleuse. Le texte est alors rapide, précis, sec, comme Marjorie. Efficacité avant tout ! Pas de place pour les sentiments, pas de place pour les faiblesses. "J'ai obtenu sans peine l'autorisation de m'absenter quelques jours. On a beau avoir des gros dossiers en cours, on reste humain, n'est-ce pas, du moins, c'est ce qu'on m'a dit d'un air crispé. Je n'ai pas réellement le sentiment que je manquerai. Un autre s'empressera de proposer ses services, jouant des coudes vers mes rangs imprudemment désertés. Cet autre a déjà un nom, un nom de femme, un bon soldat comme moi, qui affichait un sourire triomphal en me voyant quitter le ministère tout à l'heure. Je lui offre une occasion en or de faire ses preuves." (p.33/34)

Ensuite, celle qui vient après l'accident. Marjorie panique, la pression et le stress prennent le dessus. Burn-out ! Épuisement professionnel ! Cette partie est plus poétique, plus onirique, moins prosaïque, surtout sur la fin. Marjorie est perdue, nous aussi parfois dans le texte, mais pas pour longtemps, on se retrouve toujours très vite : de même que l'héroïne on ne passe pas d'une partie à l'autre brutalement, il y a une transition, une sorte de sas. Marjorie est le stéréotype de la femme moderne qui veut réussir, qui veut damer le pion aux hommes. Aucun jugement de ma part dans ce constat, la pression au travail est déjà terrible pour les hommes, elle doit être pire pour les femmes, surtout dans les mondes machistes et cyniques de la politique et du pouvoir. Un rien peut faire péter les plombs, l'épuisement professionnel est au bout. Marjorie n'est pas antipathique dans la première partie, on sent que son ambition, son envie -ou son besoin- de prouver ses qualités par des sacrifices qu'elle-même ne ressent pas lui jouera un tour à un moment ou un autre et qu'elle devra se poser des questions sur elle et sur sa vie, la seconde partie la rend plus humaine, mais elle paie le prix fort. 

L'écriture colle parfaitement à l'état d'esprit et à la santé de Marjorie. C'est un roman ou un conte initiatique écrit avec des moyens minimum. Un roman qui va à l'essentiel, qui ne déborde pas sur des considérations oiseuses. Rien n'est à enlever, rien n'est à ajouter. J'aime ces courts romans dans lesquels en peu de mots, en peu de pages l'auteur(e) réussit à m'embarquer, quand j'en trouve un et que ça colle, je suis ravi. Marion Richez signe son premier roman franchement très prometteur, elle sait user d'une écriture variée pour coller aux différents états de son personnage. Un beau roman d’initiation dans lequel l’auteure ajoute adroitement des réflexions sur un thème d’actualité ces dernières années et sans doute encore les prochaines, l’épuisement professionnel.

Livre lu dans le cadre du Club de Lecture de la librairie Lise&Moi, Itzamna autre membre du club a un avis assez proche du mien.

 

rentrée 2014

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P
Repéré à la rentrée, je n'ai pas encore pris le temps de le parcourir. Mais j'avais été très intriguée par ce cerf qui fait tout basculer.
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Y
C'est un roman étonnant, parfois déroutant même, mais plein de qualités
Z
Je l'avais noté
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Y
<br /> <br /> Bonne lecture<br /> <br /> <br /> <br />
D
Bonjour Yv, le thème de ce roman me "parle" (même si je ne suis pas concernée de prime abord), je le note. Merci et bonne journée et excellente fête de fin d'année.
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Y
<br /> <br /> Bonjour Dasola, je t'avoue qu'il ne me parlait pas non plus, mais il m'a suffi de commencer et le charme à opéré.<br /> <br /> <br /> Bonnes fêtes également<br /> <br /> <br /> <br />
P
Je ne l'avais pas vu passer, sinon je me serais forcément penché dessus, avec un aussi beau titre... Le sujet me paraît prometteur, je me laisserai sans doute tenter !
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Y
<br /> <br /> Un beau titre, deux parties très distinctes, une belle écriture, de beaux arguments...<br /> <br /> <br /> <br />
G
Tiens, je l'ai lu aussi... et je suis restée en dehors de l'histoire. Peut-être parce que le personnage m'a semblé un peu caricaturé, trop outré pour être crédible...
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Y
<br /> <br /> Peut-être, c'est un récit assez particulier qui peut ne pas embarquer<br /> <br /> <br /> <br />
A
Tiens, moi aussi je me suis blessée à une barrière de fils barbelés quand j'étais petite .. c'est tout ce que je partage avec le personnage. Je le note, les éditions Wespeiser, c'est de qualité.
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Y
<br /> <br /> Fais gaffe si un jour en voiture tu renverse un cerf....<br /> <br /> <br /> <br />
I
Un très beau récit que j'ai également apprécié : j'adore ces atmosphères oniriques, très poétiques, cette expression de la souffrance. Un auteur à suivre.
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Y
<br /> <br /> Je ne me retrouve pas toujours dans les atmosphères oniriques, parce qu'il me faut du concret à quoi me retenir (raison pour laquelle je reste souvent en dehors de la poésie), mais là, l'auteure<br /> met dans son délire de fin d'ouvrage des petits bouts de réalité qui me parlent et me permettent d'apprécier les débordements<br /> <br /> <br /> <br />
S
Pas sûre de m'intéresser au destin d'une telle femme...
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Y
<br /> <br /> Et pourtant, j'ai bien aimé<br /> <br /> <br /> <br />