L'homme qui en voulait trop
L'homme qui en voulait trop, Patrice Pélissier, Presses de la cité, 2011
Jean Deschamps est le conducteur du chasse-neige d'une région d'Auvergne. Le lundi 5 décembre, il part travailler : les chutes du weekend ont été abondantes, exceptionnelles. Il arrive au hameau des Combes, bien décidé à se faire payer un café chez Noémie. Au lieu de cela, il découvre à l'entrée le cadavre de Julia, autre habitante du hameau. La gendarmerie alertée dépêche le major Feyrat et le gendarme Delaire. Ils découvrent d'autres morts : "Si Feyrat ne s'était pas trompé, le hameau abritait six morts. Ce qui était beaucoup, puisqu'il ne comptait que cinq âmes." (p.17)
Roman policier assez classique et plaisant qui après avoir décrit les cadavres, et le hameau ensanglanté (à part cette description un rien macabre, point d'hémoglobine ou d'horreurs qui puisse faire fuir le lecteur) se concentre sur les différents protagonistes. D'abord les gendarmes chargés de l'enquête qui sont obligés d'émettre des hypothèses, bien embêtés qu'ils sont par le manque de témoin et par l'absence totale de motifs : les habitants des Combes étaient paisibles, sans histoires, des gens normaux. On suit pas à pas leurs investigations, leurs questionnements, leurs doutes, leurs différentes versions des faits. On peut noter aussi l'ambition de certains et la peur d'autres de se faire saquer : "Et le général de se souvenir d'une mutation, au fin fond d'une base militaire désaffectée dans l'Est, d'un colonel de ses amis à la suite d'une mauvaise gestion de crise lors d'un passage du président de la République." (p.99)
Ensuite, les morts, parce qu'en parallèle, Patrice Pélissier fait parler Alex, qui ne fait pas partie des morts, mais qui était présent sur les lieux ce weekend meurtrier. On ne sait d'ailleurs où il est, au début du livre. Alex est un homme de trente-cinq ans, dragueur, qui ne vit que sur le dos des femmes qu'il fréquente. Sa dernière conquête en date, c'est Julia, habitante du hameau. Alex raconte son arrivée aux Combes, une semaine avant le drame et fait défiler les jours, à la manière d'un journal intime. Il décrit tout ce qui se dit et se passe dans les maisons des uns et des autres. Nous, lecteurs, possédons donc un coup d'avance sur les gendarmes, parce que nous sommes à l'intérieur du hameau.
Roman classique dans l'écriture, simple, et sans artifices et dans sa construction qui met donc le lecteur dans les confidences bien avant les enquêteurs. Je suis passé par toutes sortes de suppositions sur le nom (ou les noms) du (des) coupable(s), avant de savoir le fin mot de l'histoire. Pas surpris par le dénouement, mais néanmoins pas déçu. L'auteur nous amène doucement vers son épilogue, en semant dans son récit des indices favorisant telle ou telle thèse, sans en divulguer une avant la fin.
Un petit bémol sur une technique qui m'a agacé un peu : à chaque fin de chapitre consacré à ce que j'appelle le journal d'Alex, Patrice Pélissier place une phrase sensée donner du suspense et qui est, à mon sens, superflue, du genre :
"Pas de doute, Jésup venait des tréfonds de l'enfer et nous devînmes ses anges exterminateurs." (p.26)
"... je me fis la réflexion que nous ne tarderions pas pas à être coupés du monde. Sur le moment je n'imaginais pas que ce serait vrai et que cela nous mènerait à notre perte." (p.48)
C'est tout ce que j'ai à reprocher à ce polar très fréquentable, qui encore une fois, fait mentir ceux qui pensent que l'édition régionale est de piètre qualité, puisqu'il est en collection Terres de France, comme l'excellent Ceux de Menglazeg, de Hervé Jaouen.
Claude le Nocher a aimé aussi.
Merci Laura.