Ils ont tous raison
Ils ont tous raison, Paolo Sorrentino, Albin Michel, août 2011
"Tony Pagoda, chanteur de charme, a traversé la scène d’une Italie florissante. De Naples à Capri, il a connu la gloire, l’argent, les femmes. Aussi, lorsque la scène évolue, il comprend que le moment est venu de changer de cap. À l’occasion d’une brève tournée au Brésil, il décide d’y rester. Mais après dix-huit ans d’un exil moite au fin fond de l’Amazonie, un puissant chef d’entreprise reconverti dans la politique lui offre un pont d’or pour qu’il se produise à nouveau en Italie. Tony Pagoda découvre alors un pays natal qu’il ne reconnaît plus, une Italie vulgaire et stupide où l’argent est roi..." (4ème de couverture)
Pas vraiment chanceux avec la littérature italienne en ce moment (voir D'acier ou Vie et mort de Ludovico Lauter). Mais bon, ces deux derniers, si je n'ai pas vraiment tout aimé, j'en retire plutôt du positif. Pour ce roman de Paolo Sorrentino, c'est un peu différent. Là, j'y croyais. On peut lire dans le dossier de presse des choses comme : "Exubérant et réussi, un premier roman décoiffant" (Livre Hebdo) ou encore : "Remarquable ! On pense bien sûr à Céline, à sa petite musique, et à sa vision apocalyptique du monde" (L'Unità). Mais quel mouche m'a donc piqué pour que j'aille lire le dossier de presse, moi qui ne le fais quasiment jamais ? Pourquoi ai-je lu la quatrième de couverture tentante ?
La déception est à l'image de ce que j'attendais de ce livre. Il commence assez mal d'ailleurs par un inventaire -à la Prévert a-t-on coutume de dire- de sept pages qui aurait pu être drôle, original mais qui est surtout un peu longuet, et qui résume d'ailleurs ce que je pense de l'ensemble de ce roman. Puis, entre en scène Tony Pagoda -dans tous les sens du terme, puisqu'il arrive dans le roman et qu'il se prépare, dans sa loge à monter sur scène pour un concert très particulier, devant du beau monde, des Italo-américains dont Franck Sinatra lui-même.
Seulement, le charme n'opère pas. L'écriture que l'on me promettait unique, originale l'est probablement, mais elle est surtout agaçante et parfois à la limite du mauvais goût et du roman de gare :
"Détendue et tranquille, loin de tout le vacarme déchaîné par Peppino et les autres, ce qui la rendait à mes yeux plus supérieure encore. Plus up que n'importe quelle prévision. Mon cœur faisait ouah-ouah. Un caniche timide aboyait dans mes entrailles" (p.68)
Et la cerise : " Je fis ce qu'aurait fait n'importe quel homme qui se retrouve avec son cœur dans sa main. Je l'attendis au bar de mon désir, qui était pour elle le bar de ses vacances" (p.69) Beurk. Même au second ou au troisième degré je trouve ces phrases particulièrement mauvaises. Ou alors ou cent cinquantième degré, peut-être ! Après plusieurs verres de Chianti ?
Malgré tout, je continue, en passant des pages -j'ai donc pu rater quelques perles aussi belles que les précédentes. Mais à un moment, il faut que je me rende à l'évidence, ce livre n'est pas pour moi !
Et pourtant, j'ai essayé et j'ai même bien aimé certains passages, notamment celui qui raconte une fusillade pendant laquelle Tony est mort de trouille :
" Maintenant c'est la peur à l'état pur, la peur comme Notre Seigneur l'avait sans doute imaginée, quand il la conçut en même temps que les dinosaures et les pierres précieuses. Et cette panique, vorace et marécageuse, se manifeste d'une manière très précise. Je sens comme des flamands roses qui me picorent le cul.
C'est ma prostate. Elle devient douloureuse.
Et on y est !" (p.56)
Preuve s'il en était besoin qu'encore une fois, c'est moi qui ne suis pas capable de comprendre une oeuvre majeure (j'écris cela au cas où des lecteurs mal intentionnés s'apprêteraient à m'insulter en commentaires, à me dire que décidément, je suis trop nul, que ce livre il est trop bien, et l'écriture elle est trop top.)
Donc, je vous en prie, faites donc la rencontre de Tony Pagoda si l'envie vous prend, vous le trouverez peut-être plus sympathique que moi.
Mon deuxième livre de cette rentrée littéraire