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Givre noir

Publié le par Yv

Givre noir, Pierre Pelot, Ed. La Branche, 2012

Une fusillade a lieu dans un bar d’Épinal : Gerbois, un journaliste local s'y rend pour recueillir les témoignages des victimes et témoins. La victime principale est une jeune femme surnommée Miss Image, et prénommée Veline, sorte d'icône de l'école d'Image de la ville.

Dans la région, dans une vieille maison vivent Mado et Stany, vieux couple aux relations minces. Nell, la nièce de Mado vit avec eux ; un soir elle surprend Mado dans les bras de Dustin, un ancien ami de son défunt fils, qu'elle a ramené à la maison. 

Deux résumés pour ce livre qui déroule deux histoires en même temps. On se dit qu'elles vont forcément se rejoindre à un moment, mais quand ? Et par quel subterfuge Pierre Pelot va-t-il lier ces deux parties qui a priori n'ont rien en commun, si ce n'est le lieu de l'action, Épinal ?

Un début de roman assez décevant qui traîne, tourne en rond et reste en surface des personnages et situations. L'auteur raconte ses histoires sans passion et avec un détachement qui déroute et ennuie quelque peu. Heureusement pour lui, il déploie des talents d'écrivains par son écriture. Il joue des registres du langage. Par exemple, Stany s'exprime de manière assez châtiée, soigne son vocabulaire et ses tournures de phrases alors que Mado est plus familière et Nell plus moderne. Le roman fourmille de trouvailles littéraires drôles comme par exemple cette métaphore culinaire : "Il advint que Mitidjène carrément se retrouva à deux doigts de mettre son poing dans la gueule d'un cornichon tombé de son bocal et désireux, brandissant le tube de rouge à lèvres de sa copine, que Veline lui signe un autographe sur le ventre. La copine du cornichon, encore plus vinaigrée que lui, devint excessivement aigre quand la garde rapprochée entreprit de virer son guignol. Tout avait fini dans les cris, victoire à Mitidjène, qui pour gueuler ne craignait personne, et les deux condiments s'étaient fait virer." (p.136/137)

P. Pelot s'amuse à détourner les expressions, à en changer un mot sans en changer totalement le sens. Par exemple pour dire de Dustin, qu'il ne réagit pas au propos de Stany, il écrit : "Dustin resta de placoplâtre." (p.74), et montre ainsi par ce simple détournement d'adage, que Dustin n'a pas inventé l'eau tiède ; disons qu'il n'a pas la noblesse du marbre ! Il n'est pas le seul d'ailleurs, l'ex-petit ami de Nell, garagiste de son état en prend aussi pour son matricule :

"- C'est pas parce qu'on lit L'Auto-Journal qu'on est plus con qu'un autre, ceci dit, estima Dustin [...] 

- Certainement, dit Stany. [...] Étant tout de même entendu que, dans le cas de ce garçon, Mado n'a pas tort. vous lui dites Toulouse-Lautrec, il vous répond Paris-Dakar." (p.77)

Ce roman noir plan-plan s'anime enfin sur les 40/50 dernières pages et affirme une volonté de faire oublier la relative mollesse du départ. Pari gagné ! On relie tous les personnages entre eux, toutes les situations, les volontés des uns et des autres. Tout ce qui était un peu emmêlé, confus devient limpide et pas si évident que cela : j'avoue que je n'avais pas prévu la moitié des révélations finales. 

En résumé, même lorsqu'un roman de la collection Vendredi 13 paraît un peu plus pépère et mollasson que les autres, il cache en son sein des joyaux d'écriture (ce fut le cas avec celui-ci et avec Close-up de M. Quint, loin d'être décevant sur le rythme cependant) et des fausses pistes capables de berner le lecteur innocent que je suis. 

Merci Pauline de chez Gilles Paris.

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J
C'est dur quand le début est fastidieux ! Arriverai-je à aller jusqu'au bout ?
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Y
<br /> <br /> Il faut tenir, la fin se mérite !<br /> <br /> <br /> <br />
A
Mais tu es abonné à cette série ?!
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Y
<br /> <br /> Presque, mais elle est tellement bien que je ne résiste pas !<br /> <br /> <br /> <br />
K
Décidément, cette série me fait de l'oeil... Polar et belles écritures, cela me plaît !
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Y
<br /> <br /> Elle va devenir incontournable !<br /> <br /> <br /> <br />
C
c'est la bonne pioche, cette collection !
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Y
<br /> <br /> Pour le moment, tout colle !<br /> <br /> <br /> <br />
C
Salut Yv... Finalement, tu n'es pas aussi déçu que tu le craignais, n'est-ce pas ? Si un jour tu lis "Les normales saisonnières" de P.Pelot, tu auras cette même impression de lenteur incertaine au<br /> début. Construction, exercice de style, écriture : un auteur qui écrit depuis 1966 se permet fatalement de tout tester.<br /> Amitiés.
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Y
<br /> <br /> Bonjour,<br /> <br /> <br /> Au final, je suis plutôt satisfait de cette lecture qui cache bien son jeu et le révèle sur la fin.<br /> <br /> <br /> A bientôt<br /> <br /> <br /> <br />
H
Tu sais que j'ai reçu plein de romans de cette édtion, je n'en ai toujours pas lu un seul...
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Y
<br /> <br /> Mais comment fais-tu pour résister avec tout le bien que j'en dis depuis le début ?<br /> <br /> <br /> <br />