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Famille modèle

Publié le par Yv

Famille modèle, Eric Puchner, Albin Michel, août 2011

Les Ziller sont une famille étasunienne moyenne : Warren, le père est promoteur immobilier et a fait venir toute sa famille en Californie ; Camille, la mère fait des films éducatifs sur la sexualité très gnangnan ; Dustin, le fils aîné rêve de devenir une star du rock, son groupe commençant à fonctionner localement ; Lyle, la fille adolescente est désespérée par son physique qu'elle trouve ingrat et par sa peau de rousse éternellement blanche même sous le soleil californien ; Jonas, le dernier est un garçon aux réflexions morbides, souvent seul qui n'hésite pas à s'habiller en orange des pieds à la tête. Toute cette histoire se passe en plein milieu des années 1980. Tout va bien, sauf que Warren à dilapidé les économies de la famille dans un projet irréalisable, mais qu'il ne l'a encore dit à personne.

Eric Puchner s'amuse à démonter ou carrément exploser le fameux rêve américain. Cette famille qui a tout pour faire envie : des gens heureux, un chien, une belle maison dans une résidence surveillée, des voitures pour les parents et pour les grands enfants, va voir sa vie basculer. A tel point qu'on se demande même un moment jusqu'où elle va tomber.

"Toute la famille semblait au bord de l'implosion. Dustin espérait se faire dévorer par un puma ; son père s'était fait arrêter pour une raison mystérieuse dont personne ne voulait parler ; sa sœur, toujours couverte de cloques, ne quitterait pas sa tente pour éviter le soleil brûlant ; et malgré ça, ils partaient quand même passer le week-end dans le désert, parce qu'ils le faisaient chaque année. Sa mère le lui avait expliqué plusieurs fois, comme pour se convaincre elle-même que c'était une bonne idée. Il se demanda si sa famille n'était pas un organisme moribond. A l'image de ces mantes religieuses qui se font manger par leur partenaire, mais continuent de s'accoupler malgré leur tête manquante." (p.233/234)

Cet extrait (une pensée de Jonas) résume assez bien l'atmosphère du bouquin : tout s'écroule, la famille se délite, chacun essaie de s'en sortir, mais l'auteur se débrouille pour que ce ne soit jamais plombant. Il a un style, une écriture qui donne une image décalée et finalement assez drôle des Ziller. Même dans les pires moments, il y a toujours un Jonas pour détendre l'atmosphère par une déclaration incongrue, totalement déplacée, qui fait le désespoir des autres membres de la famille mais le bonheur du lecteur. En écrivant mon billet, je me fais peur parce je prends conscience que plus les protagonistes tombent, plus ils se retrouvent dans des situations difficiles et plus j'ai pris du plaisir à les suivre. Quel monstre suis-je donc pour me satisfaire du malheur des autres ? Je me rassure en me disant que c'est la faute de l'auteur et en lisant d'autres billets qui vont dans le même sens (Clara, Mélopée, Nina, Keisha, Cuné). 

Ce gros roman (520 pages quand même) se lit sans aucun problème : à chaque chapitre, il se passe un événement qui propulse l'un ou l'autre dans une situation imprévue. La première partie est très rapide, tout va très vite. Les autres ont un peu plus lentes, mais pas moins intéressantes, captant plus les pensées, les réflexions des uns et des autres. Un roman -le premier d'Eric Puchner- qui montre que rien n'est jamais acquis, qui bat en brèche le rêve américain. La famille Ziller représente un large panel de la société : des gens avec des désirs, des souhaits, des rêves, qui côtoient, approchent de près ou touchent tous les types d'individus que cette société, depuis ces années 1985/1986 n'a cessé de créer : à la fois des riches, des flambeurs, des stars (plus ou moins avérées ; de nos jours ce mot sans sens réel est totalement galvaudé) mais aussi des pauvres, des laissés pour compte, totalement oubliés voire méprisés par les premiers nommés.

Un roman de la rentrée littéraire (je stoppe mon compteur personnel, parce que cette année, j'explose les chiffres : je n'ai jamais autant lu de romans de cette fameuse et courue rentrée).

Merci Aliénor des éditions Albin Michel.

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