Danser au bord des abîmes
Danser au bord des abîmes, Bettina, L'atelier des métamorphoses, 2008 (auto-édition, distribué par Lulu.com)
Une jeune femme, Mélinée Mauvert gagne sa vie en écrivant des éloges funèbres. Elle vit seule. Sa vie change du tout au tout lorsqu'elle rencontre XL, son futur compagnon. Parallèlement, son travail l'amène à enquêter sur un vieil homme proche de la mort, à rencontrer un SDF, des marginaux de son quartier, une professeure menacée et désespérée. Son quotidien prend dès lors une autre tournure qu'elle n'avait jamais imaginée.
Roman pour le moins foisonnant. De nombreux personnages -mais le lecteur n'est jamais perdu- qui vivent tous des histoires différentes. D'où plusieurs intrigues, au risque parfois d'en avoir trop : j'avoue que celle de Virginie, la professeure désespérée ne m'a pas vraiment convaincu et je trouve même qu'elle n'apporte rien au livre. Voilà pour ma réserve, assez minime puisque cette histoire est loin d'être la plus longue du roman.
Les rencontres avec les autres personnages permettent à Bettina d'aborder de nombreux thèmes : la différence, le chômage, les SDF, la solidarité, la mort, les sans-papiers. Point de thèses construites et finement relatés, mais des coups de gueule, des avis tranchés, clairs et précis qui détonnent des discours ambiants souvent tièdes.
Une des axes principaux est la guerre d'Algérie et l'occupation française. L'arrivée de la France dans ce pays dans les années 1830 est bien expliquée ainsi que les doutes des soldats défendant l'Algérie française 120 ans plus tard :
"La pacification a échoué. J'ai l'impression désagréable d'avoir été manipulé, de perdre la face, et d'avoir participé à une mascarade à laquelle nos dirigeants eux-mêmes ne croyaient pas. Nous n'avons fait que parquer ces pauvres gens, les séparer de leurs champs, et donc de leur gagne-pain. Nous leur avons laissé croire à des jours meilleurs parce qu'on nous en avait persuadés. Nous les avons contraints à devenir des délateurs pour nous sauver nous-mêmes." (p.98)
Ce n'est pas un roman historique, mais il permet de se remettre en mémoire des faits et des événements de l'époque.
C'est un roman dense qui se lit assez lentement pour ne rien en perdre. Mélinée est attachante, oscillant entre doutes et certitudes, bien que parfois agaçante à force de vouloir se mêler de tout. Elle est humaine, a les défauts et les qualités des gens que l'on rencontre au quotidien. Son quotidien d'ailleurs qu'elle raconte en détails dans ce livre, presque comme un journal.
Bien écrit, parfois dans un style classique, parfois dans une style oral. L'auteure brouille les pistes et joue de la langue et de ses niveaux d'écriture. Malgré quelques longueurs -toujours cette histoire de Virginie !-, ce livre recèle de très beaux passages et contient un "kekchose" qui retient le lecteur jusqu'au bout ne voulant pas le lâcher avant la fin, pas forcément imprévisible, mais assez gonflée parce que contraire à une certaine uniformisation.
Merci Bettina. Livre téléchargeable ou en commande sur Lulu.com. Un autre avis ici, et le blog de l'auteure, là.