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Comme au cinéma

Publié le par Yv

Comme au cinéma (Petite fable judiciaire), Hannelore Cayre, Métailié, 2012

Etienne Marsant est une star. Le grand acteur français, mais suite à un infarctus, il ne tourne plus. Il vit sur sa notoriété. Cependant, il accepte d'être le Président d'un festival de cinéma de seconde zone à Colombey-les-Deux-Églises.

Dans le même temps, à Chaumont, se tient le procès en appel d'un braqueur de banques récidiviste. Un petit voyou sympa répondant au nom improbable de Abdelkader Fournier, qui braque avec une arme en plastique. Les époux Bloyé, Jean et Anne sont ses défenseurs. Mais la partie sera rude face au juge, surnommé "le boucher de la Haute-Marne".

Tout ce monde se croisera plus ou moins rapidement au tribunal ou dans la seule auberge digne de ce nom dans cette petite ville.

Hannelore Cayre sous-titre son livre, Petite fable judiciaire. Si elle avait fait appel à moi avant, je lui aurais suggéré plutôt : Petite farce judiciaire. Mais bon, tant pis pour vous Hannelore -vous permettez que je vous appelle Hannelore ?- vous avez préféré la jouer solo sans mon avis éclairé. Néanmoins, je ne vous en veux pas. D'abord parce votre sous-titre, bien que moins bon que le mien, il va sans dire, n'est pas mal non plus, et surtout parce que votre roman est très bien. Voilà, c'est dit, c'est clair.

Je suis passé par beaucoup de phases :

- celles où j'ai ri : Jean  Bloyé est totalement désabusé, blasé. Il regarde la vie et son métier avec une ironie et une causticité permanentes. Etienne Marsant est dans le même genre, le cynisme en plus voire même la goujaterie que lui permet son statut de Star et dont il joue. Et Hannelore Cayre de filer une parfaite métaphore florale : "Il avait également semé des fleurettes dans les cœurs de ces dames. Il comptait les cultiver pendant ces quelques jours de festival avec la chaleur ou la fraîcheur qui convenait à chaque espèce afin d'en récolter la plus épanouie la dernière nuit. Tout cela, évidemment, ne tenait que du voeu pieux puisqu'il ne bandait pratiquement plus." (p.74)

- celles où je me suis insurgé, contre le racisme, l'homophobie et la xénophobie faciles et malheureusement crédibles du juge Anquetin : "Anquetin est un gros con. Pas d'une gentille connerie débonnaire... Non... D'une connerie butée, contente d'elle-même. Son esprit est un rendez-vous de banalités racistes et de préjugés épidermiques. Et si un avocat ose lui démontrer qu'une chose n'est pas comme il croit qu'elle est, il prend un air dédaigneux qui s'opiniâtre à mesure qu'il insiste." (p.65)

- celles où je ne pouvais croire la tournure ubuesque que prenait l'histoire, mais elle me faisait rire, donc ça passait.

- celles où je me suis énervé contre le parisianisme exacerbé de Anne Bloyé (Pitié, Hannelore, dites-moi que ce n'est que votre personnage et pas vous !)

- celles ou j'ai ri de nouveau

- celles où je me suis dit : (je me cite, alors, je mets mes propos en italique) "mais finalement, les réflexions de Jean sur le monde actuel, sur cette mode de faire d'un ado, Augusteen Granger -ersatz de Justin Bieber- un modèle pour des millions d'autres ados, les remarques sur la futilité de ce qu'on nous présente comme étant la culture, de ceux qu'on nous dit être les nouvelles stars, mais qui comme les étoiles filantes ne dureront que le temps de les voir s'éteindre (c'est beau, on dirait du Verlaine), la  tendance à prendre comme baromètre de la société un pré-pubère chantonnant des niaiseries qui masque les inégalités, les violences de cette même société, tout cela est assez proche de ce que je peux penser. Oh, non, Yv tu es vieux ! Désabusé, blasé, comme Jean ! Mais que nenni, je vais résister !

Voilà donc mes différents états d'esprit en lisant ce roman, qui emporte l'adhésion, très aisément, grâce également à une écriture, drôle, caustique, franche. Chez Hannelore, un chat est un chat et un con un con ! Elle mène son histoire à un rythme qui ne laisse pas de temps mort, pas de répit à ses lecteurs. Et, cerise sur le gâteau, à chaque fois qu'un nouveau personnage apparaît, on a le droit à une description détaillée, moqueuse voire méchante mais tellement jouissive. En l'espèce, la sélection des jurés pour le procès est un vrai régal. Allez, pour finir en beauté, les portraits de la sous-préfète et de son mari :

"Avec ses tailleurs rouges ou bleu roi, toujours un poil trop petits, et ses cheveux flamboyants bétonnés de laque, la sous-préfète faisait penser plutôt à une grosse poule rousse sexuellement très agressive. Elle offrait un sacré contraste avec son mari, un petit teckel gris et tremblotant [...]"

Merci Valérie.

région

 

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Commenter cet article
J
J'aime bien ce texte :)
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Y
<br /> <br /> Merci, moi aussi mais pas les jeux sur PC<br /> <br /> <br /> <br />
B
Chouette ! Un roman ! Ca va me servir de lecture de chevet ou dans le bus.
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Y
<br /> <br /> Idéal pour les transports en commun ou pour s'endormir avec le sourire<br /> <br /> <br /> <br />
G
Fable ou farce, ce roman me donne bien envie. Il me semble que je passerais un bon moment en le lisant !
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Y
<br /> <br /> Oui, un très bon moment, ce qui est déjà une grande qualité pour un livre.<br /> <br /> <br /> <br />
A
et ben voilà : je suis revenue !!!!!! fallait pas m'encourager ...
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Y
<br /> <br /> Tout le plaisir est pour moi, il va sans dire, mais en le disant, c'est encore mieux <br /> <br /> <br /> <br />
A
aucune ironie, je t'assure ! mais ai-je l'esprit déplacé ou l'expression se voulait un brin grivoise ??????
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Y
<br /> <br /> Pas de souci, d'ailleurs j'aurais dû m'en douter étant donné tes autres commentaires toujours drôles et bienvenus. C'est juste une interprétation de ma part, parce que sans doute si c'est moi qui<br /> l'avais écrit j'y aurais peut-être mis l'ironie  dont je parle. Donc, je prends ton compliment avec bonheur et surtout, continue de venir et de faire des commentaires, sinon, tu me<br /> manquerais ;)<br /> <br /> <br /> <br />
A
mais ma remarque se voulait élogieuse, au contraire !<br /> j'ai bien ri !
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Y
<br /> <br /> Aïe, ma paranoïa a repris le dessus, j'y avais vu un petit brin d'ironie qui peut etre légitime d'ailleurs. Désolé et à bientôt.<br /> <br /> <br /> <br />
A
"un chat est un chat et un con est un con ............"<br /> <br /> chapeau bas !!!! quelle audace !
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Y
<br /> <br /> Je n'ai pas la prétention d'avoir de l'audace ni d'avoir inventé une formule, disons que ça évite des détours, tout est dit en peu de mots !<br /> <br /> <br /> <br />
C
Je dois le recevoir avec Babelio ! Je reviendrai plus tard lire ton billet !
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Y
<br /> <br /> A bientôt<br /> <br /> <br /> <br />
A
Merci pour l'extrait, il donne envie d'en savoir plus.
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Y
<br /> <br /> c'est pour ça que je les mets, pour titiller l'envie...<br /> <br /> <br /> <br />
L
Ben voilà, il suffisait de commencer par la fin. J'adhere,j'adore cette description, je le note.
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Y
<br /> <br /> On visualise très bien cette fameuse sous-préfète !<br /> <br /> <br /> <br />
M
J'ai déjà lu d'autres titres de cette auteure et c'est souvent assez bon, sans être géniale<br /> mais je le note quand même
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Y
<br /> <br /> J'ai passé un très bon moment de lecture, ce qui est déjà très bien.<br /> <br /> <br /> <br />
K
Le dernier lapon est extraordinaire, à ne pas rater!
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Y
<br /> <br /> Je vois qu'on est du même avis.<br /> <br /> <br /> <br />
K
Je l'avais repéré pour Masse critique, mais je vais en recevoir un autre (demandé aussi)... je constate que cela semble un bon polar, et puis la Haute-Marne n'est pas très éloignée de ma région<br /> natale...
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Y
<br /> <br /> A l'occasion peut-être, si tu le trouves...<br /> <br /> <br /> <br />
G
J'ai beaucoup aimé suivre tes différentes "phases" de lecture... ;-)
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Y
<br /> <br /> Moi aussi...<br /> <br /> <br /> <br />
K
Il semble que je rate quelques pépites de l'éditeur...<br /> Mais Le dernier lapon, je ne l'ai pas oublié!
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Y
<br /> <br /> Le dernier Lapon est à lire absolument ! Mais Comme au cinéma n'est pas à négliger.<br /> <br /> <br /> <br />