Beso de la muerte , Gilles Vincent, Éd. Jigal, 2013
1936, le poète Garcia Lorca est assassiné à cause de ses sympathies républicaines. 2007, Thomas Roussel est commissaire de police à Pau. Il vit avec Claire, une jeune femme passionnée du poète assassiné, qui ne supporte plus son alcoolisme et qui le quitte après 5 ans de vie commune. Quatre ans plus tard, Thomas est toujours commissaire mais sobre. Il se marie avec Délia qui l'a aidé à sortir de son addiction. La nuit même de son mariage il reçoit un appel au secours de Claire qui lui dit être retenue en otage à Marseille. Thomas appelle ses collègues de Marseille et lorsqu'il apprend qu'un corps de femme carbonisé a été retrouvé sur des rails, il sait que c'est Claire. Il décide de se rendre sur les lieux et de prêter main-forte à la commissaire marseillaise, Aïcha Sadia.
Me voici polyglotte ( "Moi, j'sais parler toutes les langues, toutes les langues, moi j'sais parler les langues du monde entier" disait Henri Dès dans sa chanson Polyglotte . Désolé, élever 4 enfants, ça laisse des traces.) : après I hunt killers , je me mets à l'espagnol, Beso de la muerte , un polar qui plonge dans les secrets d'États. Sans dévoiler le cœur de l'histoire, il y est question des GAL (Groupes Antiterroristes de Libération) créés par le Premier Ministre espagnol dans les années 80 pour lutter contre l'ETA qui perpétrait ses attentats en Espagne et se réfugiait ensuite en France bénéficiant d'une certaine immobilité de la police à leur égard. Ne pouvant compter sur la France, l'Espagne créa ces escadrons de la mort qui enlevaient ou assassinaient les membres d'ETA sur le territoire français. Tout est très bien expliqué dans le roman, simplement ; ce n'est pas non plus une thèse sur les GAL. Des piqûres de rappel pour les gens de ma génération qui ont entendu parler de ces événements au fil des années 80. Le contexte historique proche est planté de manière forte et si certains noms sont dits comme Felipe Gonzales ou Jacques Chirac, d'autres intervenants de l'époque ont des pseudonymes ; mais qui peut bien se cacher derrière l'ancien Ministre de l'Intérieur Agostini : "En dépit de la gravité de l'instant, elle ne put s'empêcher de sourire à l'accent de son interlocuteur. Un mélange de Raimu et de Fernandel qui les avait tous fait rire lors de la prise de fonction d'Agostini en 1986. Mais cette musique pagnolesque dissimulait une main de fer et un caractère bien trempé, rompu à toutes les combines. Très vite après le débarquement place Beauvau du nouveau ministre de l'Intérieur, la loi "Sécurité et Liberté" avait effacé le sourire des fonctionnaires de police." (p.107) ?
Pour l'intrigue, j'avoue avoir été un peu agacé par de multiples rappels des événements, des sortes de rapport d'enquête faits tour à tour par Aïcha, par d'autres collègues, dont Sébastien Touraine, un privé qui ne parle pas beaucoup mais s'imprègne de tout ce qu'il voit et entend et peut ensuite faire un résumé complet en se glissant en quelque sorte dans la peau des autres, ou encore par les auteurs des faits eux-mêmes. Si mon QI et ma capacité de concentration ne sont pas exceptionnels, il n'empêche que je réussis encore à lire un polar de 250 pages sans qu'on ait besoin de me "raccrocher" toutes les 50 pages. Faire confiance à l'intelligence de son lecteur !
Malgré ces quelques réserves et d'autres concernant quelques facilités dans la résolution de l'enquête -que je ne dévoilerai pas, car c'est peut-être ma grande perspicacité qui m'a valu de me douter très fortement de choses bien avant les flics-, je dois dire que ce livre se lit avec rapidité et plaisir. Bien menée, dans un contexte fort et habilement planté, cette histoire peut aussi révéler quelques rebondissements et décrit des flics normaux, pas des surhommes, juste des enquêteurs qui suivent les pistes les unes après les autres. L'équipe constituée de flics, d'un privé et du médecin légiste est plutôt convaincante et ce serait un grand plaisir que de la revoir. En fait, si je fais fi de mes réserves, c'est tout ce que j'aime : une histoire -policière ou pas- qui prend dès le début du bouquin, qu'on ne lâche plus et qui, une sorte de fil rouge qui permet, grâce au contexte d'apprendre sur une période historique, sur des coutumes, des pays, ...
Bien écrit, ce roman se lit d'une traite, l'ombre de Garcia Lorca flottant au-dessus du lecteur jusqu'à la fin, et peut-être même un peu après.
Dernière minute : ce livre est finaliste du Prix Landernau 2013