Bande-son , Bertrand de la Peine, Ed. de Minuit, 2011
Sven Langhens, Danois exilé depuis dix ans dans le Luberon est un artiste contemporain connu pour ses enregistrements et ses constructions sonores de sons inaudibles du commun des mortels. Une sorte de sculpteur des sons de la nature. Sa femme décide de le quitter et lui, triant des papiers "trouve dans une malle, un ouvrage ancien sur les "pierres chantantes" écrit par un certain Rudolf Erich Raspe." (4ème de couverture) Il décide de retrouver la trace de ces "pierres chantantes".
Je ressors de ce livre très mitigé. J'ai beaucoup aimé l'écriture de Bertrand de la Peine. Il triture certains mots, en invente d'autres et dessine de beaux portraits, assez drôles. D'abord celui de Mrs Scott, la logeuse de Sven en Irlande :
"Elle y retrouve une femme au chignon de neige noué sur la nuque et sous le chignon, une veste de tweed anthracite dont les pans s'évasent autour du fessier cucurbitesque recouvert d'une jupe noire tendue à craquer. D'assez beaux mollets pris dans des bas couleur chair et de minuscules pieds chaussés de mocassins de cuir." (p.52)
Ensuite, le plus savoureux, celui du révérend Desmond Toland :
" Un scooter apparaît à l'angle de la maison et stoppe net devant le parterre surpris. L'antique machine est pilotée par un homme rond. [...] Le révérend Desmond Toland met pied à terre et ôte son casque qui démoule un crâne globuleux. On se méprendrait de le croire bossu : ses deux épaules sont symétriquement grasses." (p.55)
Et puis, il y a ici et là d'autres beaux passages (j'en citerai un autre à la fin), mais je me suis tout de même demandé où l'auteur voulait en venir. L'ensemble est décousu, le lien entre S. Langhens, l'Irlande, Rudolf Erich Raspe et l'art contemporain est un peu tiré par les cheveux. Le fait que Gerda, la femme de Sven le quitte est une grosse ficelle, facile et peu opportune. L'auteur survole ses personnages et son histoire : il ne s'intéresse pas vraiment à eux, nous non plus !
Mis à part les portraits plutôt réjouissants, on ne sait quasiment rien d'eux, comme s'ils n'étaient que de vagues connaissances à qui l'on dit bonjour-bonsoir. Un peu court !
C'est fort dommage, parce que comme je le disais plus haut, Bertrand de la Peine écrit très bien. Ses lignes apportent tout de suite à l'esprit des images nettes et concrètes. En peu de mots, choisis, il décrit clairement un personnage, une pièce, une situation. A ce propos, et comme promis, un dernier extrait concernant l'aide-ménagère de Mrs Scott :
"Lorsqu'elle officie dans la cuisine, Anjelica éventre les paquets de farine.
Elle décapite les bouteilles de lait.
Explose les nouilles.
Pulvérise le riz.
Trucide les boîtes de conserve.
Mutile les pizzas.
Scalpe les tablettes de chocolat.
Terrifie les surgelés.
Armée d'une pince ou d'un tournevis, la jeune fille fait régner dans la pièce un avant-goût de massacre." (p.63)
Déçu donc, oui, mais en même temps, ravi d'avoir découvert cet auteur dont je retenterai certainement la lecture.