Au pays des kangourous
Au pays des kangourous, Gilles Paris, Don Quichotte, janvier 2012
Simon a neuf ans. Il vit dans un bel appartement parisien avec son père Paul, écrivain, ou plutôt nègre pour des "stars" ou personnes plus ou moins connues désireuses "d'écrire leurs mémoires" et sa mère Carole, très souvent absente en voyage professionnel en Australie : elle est femme d'affaires pour la société Danone. Simon est très proche de son père, beaucoup moins de sa mère qui maintient une distance entre eux.
Un matin, lorsque sa maman est encore en voyage, Simon trouve son papa dans le lave-vaisselle. Lola, la grand-mère originale et fantasque est appelée à la rescousse et va s'occuper de son petit-fils le temps que Paul est interné pour dépression. En visitant son père, Simon fait connaissance d'une étrange petite fille aux yeux violets, Lily.
Gilles Paris est aussi l'auteur d'Autobiographie d'une courgette et il reprend là le même angle de vue, celui d'un enfant. Je ne suis pas très fan du procédé qui cache souvent un manque de profondeur, et qui paraît un peu "facile". Mais force est de constater que Gilles Paris s'en sort très bien. Son parti pris de faire parler un enfant est au contraire pour lui une manière d'aller chercher les fêlures des adultes, de les triturer et de les faire passer par les yeux de l'innocence, ce qui permet de relativiser beaucoup de choses, de se poser des questions sur ce à quoi, nous adultes pouvons parfois accorder de l'importance et qui finalement n'est pas primordial.
Ce procédé permet aussi de mettre de la fraîcheur dans une situation pas toujours gaie : "Le métier de maman, c'est de voyager en Australie. Elle est directrice de marketing chez Danone. Oui, le yaourt. Alors, quand je suis triste et que maman me manque, je vide six yaourts à la pêche, lentement, à la petite cuiller, et je l'imagine chevauchant un kangourou dans le bush, jusqu'à ce que le sourire revienne sur ma bouche. Le bush, dans le dico de papa, c'est la forêt australienne grande comme huit mille fois Paris." (p.11) Tout passer par le prisme d'un enfant permet de dédramatiser, de mettre de l'humour, du sourire là où un avis d'adulte appesantirait le message. L'écueil, c'est de paraître un peu lisse, un peu trop léger et c'est vrai que malgré des situations lourdes, comme dans son roman précédent, Gilles Paris écrit un roman optimiste ; mais l'optimisme ne signifie pas forcément légèreté. Pour ma part, étant persuadé que le rire ou le sourire voire l'optimisme permettent de faire passer autant voire plus de messages que la noirceur ou la tristesse, j'avoue m'être plusieurs fois interrogé sur telle ou telle situation décrite par l'auteur. Dois-je revoir parfois la hiérarchie de mes priorités quotidiennes ? Et si je tentais moi aussi de voir mes pratiques par l'oeil des enfants présents chez moi, qu'est-ce que cela pourrait changer ? En outre, je peux sans souci m'identifier à Paul étant moi-même père à la maison et donc astreint aux mêmes contingences quotidiennes, aux mêmes tâches et devoirs mais aussi et surtout aux mêmes plaisirs de pouvoir profiter des enfants, grands et petits pour moi. Par contre, pas pour tout ! "Des fois, la musique passe sous sa [celle de Paul] porte et je reconnais Mylène Farmer, Black eyed Peas ou Jay-Jay Johanson." (p.29) Bon, je veux bien pour Jay-Jay Johanson, j'aime bien (tiens, d'ailleurs, ça me fait penser que je pourrais le téléch... euh, non, aller acheter son CD), mais pour les autres, Black Eyed Peas, je veux bien de temps en temps lorsque mon garçon l'écoute, mais Mylène Farmer, non, là c'est trop dur pour moi !
Mon petit -tout petit- bémol viendrait des rêves de Simon, un peu longs à mon goût et trop présents, mais bon, c'est vraiment mon côté mauvais esprit qui me titille et m'empêche d'adhérer en totalité au livre, parce que c'est une toute petite remarque comparée à tout ce que j'ai aimé dedans. Notamment les personnages : Lola, la grand-mère est haut-en-couleur, très atypique. J'ai très envie de la rencontrer elle et ses copines, "les sorcières" ainsi que Fortuné, tous personnages secondaires certes, mais très présents -et heureusement pour Simon et Paul.
En résumé, si vous avez aimé Autobiographie d'une courgette, vous aimerez Au pays des kangourous, on y retrouve la même tendresse, la même candeur, la même innocence enfantine qui permet de décrypter les attitudes des adultes ; si vous n'avez pas lu Autobiographie..., eh bien, vous avez tort, mais vous pouvez vous rattraper avec ce roman. Bonne lecture détente -mais pas que- à vous.
Merci à Gilles Paris pour le petit mot personnel et merci à Olivia des éditions Don Quichotte.