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Le banquet aphrodisiaque

Publié le par Yv

Le banquet aphrodisiaque, Li Ang, L'Asiathèque, (traduit par Coraline Jortay), 2023

"Comment digérer le passé ? Tantôt doux-amer, tantôt piquant, le roman de Li Ang, figure majeure de la littérature taïwanaise contemporaine, donne chair à une histoire politique sensible du vingtième siècle taïwanais. De l'humble riz au curry de la période coloniale japonaise au thé aux perles de la démocratisation de l'île, en passant par les nouilles au bœuf des prisons de la Terreur blanche, chaque chapitre est un plat où se livrent à petit feu autant d'histoires alternatives de la construction de cette société insulaire." (4ème de couverture)

Li Ang parle de son pays, de ses traditions, de ses coutumes, de son histoire à travers sa protagoniste, d'abord petite fille, Wang Chi-fang, et sa famille, sa mère et la cuisinière Mandarine et son père devenu fin gastronome qui ne trouve rien meilleur que la cuisine traditionnelle de son pays. "Si les ingrédients d'un plat  -le riz, les légumes, le porc, le poulet proviennent du même terroir, le goût sera comme il faut puisque c'est le terroir qui depuis des siècles travaille à harmoniser leurs saveurs." (p.68) Un retour à cette simplicité serait sûrement souhaitable de nos jours, même si la cuisine métissée me manquerait terriblement et notamment le curry dont je suis un adepte bien que j'aie connu ce mélange tardivement : "Comme sa famille en consommait peu, Wang Chi-fang avait longtemps cru que le curry était une plante dont on récoltait les feuilles ou les racines qu'on faisait sécher avant de les réduire en poudre." (p.67)

Ce roman construit comme un menu avec ses entrées, ses plats et ses desserts pourra mettre mal à l'aise les végétariens ou végans notamment dans ses premières parties consacrées à des animaux que l'on n'a pas l'habitude de consommer par ici, et notamment certain devenu célèbre malgré lui pour son origine soupçonnée dans la COVID, le pangolin. Ces préparations culinaires sont un biais pour parler de l'histoire du pays, de la colonisation japonaise jusqu'à nos jours. Li Ang semble faire allusion à des personnages connus et la postface de Gwennael Gaffric, le directeur de la collection Taïwan fiction chez L'Asiathèque permet de mettre des noms sur des personnages esquissés et de préciser certaines notions évoquées qui pourraient faire défaut au lecteur -qui m'ont fait défaut- donc merci M. le postfacier pour vos éclairages.

J'ai bien aimé également le fait que, en fonction des chapitres et du thème abordé, le champ lexical change, parfois imperceptiblement comme notamment dans le chapitre Gourmandises aphrodisiaques, où les mots ou expressions choisis jouent sur leur double sens -ou alors, c'est moi qui suis un obsédé, mais je préfère croire que c'est l'autrice qui a su user des bons vocables et la traductrice, Coraline Jortay qui a su retranscrire l'atmosphère, les jeux de mots.

Bref, tout cela pour dire que ce roman, très original, non dénué d'humour, de sarcasmes est une jolie découverte. Aisé à lire, il ne faudra pas néanmoins négliger de lire la postface pour en augmenter la saveur.

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M
En effet la lecture de la post face est indispensable pour comprendre certains éléments de ce roman qui a été pour moi aussi une belle découverte. Contente de découvrir ta chronique...
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Y
Les pré- ou post- faces chez L'Asiathèque sont toujours utiles et instructives
L
Je n'ai lu aucun auteur taïwanais et je sais que la cuisine participe à leur culture alors je me dis pourquoi pas.
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Y
L'Asiathèque a un beau catalogue dans lequel puiser pour les auteurs taïwanais, entre autres