Sillon rouge
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Sillon rouge (Les âmes noires de Saint-Malo, tome 2), Hugo Buan, Palémon, 2022
1804, Bonaparte, Premier Consul laisse la place à Napoléon 1er, Empereur. Louis Darcourt, commissaire de la toute nouvelle police de l'arrondissement de Saint-Malo, assisté de Joseph Tocagombo dit Lieutenant Joseph, un ex-esclave affranchi avec lequel Darcourt a combattu pour la République et Henri Girard un ami d'enfance de Louis, doivent, sur les ordres du chef de la sûreté surveiller les probables et attendus débarquements de royalistes, Chouans, Vendéens, exilés 10 ans plus tôt, en passe de revenir pour remettre un roi sur le trône de France.
Deux affaires vont également occuper le trio de policiers : l'enlèvement d'un député, ami de Danton et la découverte d'un squelette dans des dunes.
Ce tome 2 de la série Les âmes noires de Saint-Malo, à la très belle couverture met en scène et implante davantage le trio de policiers au sein de Saint-Malo. L'on arpente les rues de la ville et de ses alentours, l'on visite les tavernes, les débits de boissons, les lieux de débauche, mais aussi les landes, les marais, au fil d'une plume très documentée. Cela pour le contexte géographique. Pour l'historique, force est de dire que pareillement, l'auteur est fort bien documenté et qu'il sait faire vivre aux lecteurs l'époque troublée : "Louis Darcourt avait connu la Monarchie royale, la République révolutionnaire avec la Constituante, la Législative, la Convention, le Directoire, le Consulat et désormais l'Empire, il fallait s'adapter, il s'adaptera." (p.28/29)
Et puis, il y a les intrigues qui vont contraindre l'équipe à remonter le temps d'une dizaine d'années et se replonger dans la triste époque de la Terreur, celle où les exécutions étaient courantes, qu'elles rougissaient le Sillon de Saint-Malo. Époque à laquelle Justine, la sœur de Louis a disparu et qu'il a toujours espoir de retrouver, espoir en berne lorsque le squelette retrouvé pourrait correspondre à Justine.
Hugo Buan a bâti une équipe de policiers pas banale, entre Louis, un orphelin (parents guillotinés en 1794) recueilli et adopté par un aristocrate et revenu incognito dans sa ville de naissance, Joseph, un mulâtre de l'ex-île Bourbon et Henri avant d'être policier, surtout connu pour ses combines. Et surtout, sur des intrigues et des bases historiques et géographiques sérieuses, il écrit un polar décalé empli d'humour, notamment dans les dialogues et en particulier lorsque Louis interroge des témoins, notamment une prostituée :
"- Non... Il s'est jeté dans son puits à Saint-Coulomb ! Tout le monde pensait que c'était impossible à cause de ses cornes... Rapport à la largeur du puits, vous comprenez ? minauda-t-elle.
- Madame Malavoine n'était pas très fidèle ?
- Pas fidèle du tout ! C'est le genre de femme qui enlève le pain de la bouche des filles comme nous.
- Je vois... C'est une sorte de concurrence déloyale.
- A ce niveau-là, ç'n'est plus de la concurrence, c'est de l'acharnement !" (p.291)
Bref, ce fut donc un vrai plaisir que de retrouver le trio de policier de Saint-Malo, de s'instruire, car Hugo Buan raconte l'histoire de la Bretagne, tout en souriant aux réparties et aux sarcasmes voire à l'ironie des uns et des autres. Si j'étais de nature impatiente, je crierais : "Vite, la suite !... ", mais je me contenterai de dire très fort : "La suite, vite !"