Péché mortel
Péché mortel, Carlo Lucarelli, Métailié, 2023 (traduit par Serge Quadruppani)
"La période entre le 25 juillet et l'armistice du 8 septembre 1943 est un moment étrange, hallucinant, dans l'histoire italienne. Entre bombardements de Bologne, coup d'état contre Mussolini, et occupation allemande du nord de l'Italie. Un moment idéal pour faire les mauvais choix.
Dans ce chaos, au cœur du fascisme italien, le commissaire De Luca poursuit son travail de policier, en obsessionnel indifférent aux changements politiques. Il doit identifier un corps sans tête retrouvé dans un canal." (4ème de couverture)
Le contexte de ce polar n'est pas le moins intéressant ; c'est effectivement une période étrange où l'ex-leader, Mussolini est arrêté et le fascisme semble être pour de bon révolu. Les anciens chefs du régime ou ceux qui en ont profité pour se hisser à de bons postes, se sauvent avant d'être arrêtés. Certains flics ne sortent plus, restent au bureau pour ne pas se faire lyncher. Bref, l'ambiance est joyeuse de s'être libéré du Duce mais également à la recherche des fascistes avérés. Chaque chapitre du livre débute par un court résumé des événements du jour, ce qui permet de bien se situer dans l'histoire du pays.
Et dans tout cela le commissaire De Luca hermétique à la politique, ce qui est assez étonnant et rare dans ces moments, tente de mener son enquête, mais se heurte à des murs très hauts. Il met à jour une corruption à tous les niveaux de la police, de l'armée qui freine donc ses investigations. Mais il s'obstine au risque de tout perdre : sa carrière, sa fiancée Lorenza qu'il néglige et qui elle, est assez sensible aux changements politiques. Carlo Lucarelli joue sur l'ambiguïté de son personnage qui travaille au service des "méchants", le lecteur peine à savoir s'il est totalement indifférent, uniquement obsédé par son travail de flic ou s'il s'adapte à chaque changement. Cela ne le rend ni sympathique ni antipathique, même si l'on a très envie qu'il boucle son enquête et qu'il passe à autre chose. C'est un roman fort bien mené, pas toujours simple à suivre parce qu'un peu bavard, mais qui nous plonge dans une ambiance particulière, pas confortable, avec des personnages et notamment De Luca, ambigus. Une belle réflexion sur le fascisme que l'on peut évidemment mettre en parallèle avec la montée des extrêmes et des idées totalitaires dans presque tous les pays du monde et qui ne présage rien de bon.