Oscar Wagner a disparu
Oscar Wagner a disparu, Jean-Christophe Portes, Hugo thriller, 2023
Lors d'une altercation avec Oscar Wagner, Mo les Yeux-Bleux, truand notoire, entre autres patron de boîtes de nuit de Pigalle, n'a d'autre alternative que de l’éliminer. Mais Oscar Wagner n'est pas n'importe qui et sa disparition inquiète tous les services secrets, allemands, anglais et français. Mo les Yeux-Bleux sait qu'il vient de dégoupiller une grenade et qu'il pourrait bien être la prochaine victime.
Élisabeth Beresford, dite Lizzie, ressortissante aristocrate anglaise travaille pour Oscar Wagner, sous couverture de l'Intelligence Service. Elle aussi s'inquiète de la disparition de son patron.
Mo se prépare à fuir Paris. Lizzie devient suspecte aux yeux des autorités allemandes.
Nouvelle série écrite par le très bon et très prolixe Jean-Christophe Portes, auteur de la série historique aux temps de la révolution avec Victor Dauterive et de la contemporaine avec le Groupe du Manoir mené par Colette et Denis Florin.
Cette série qui débute pendant la guerre est finement et richement documentée et met face-à-face des personnes ayant réellement existé dans des situations réelles et des personnages de fiction dont évidemment Lizzie et Mo. Et le tout fonctionne admirablement bien, on reconnaît ceux ayant vraiment vécu, et on peut se prendre même l'envie d'ouvrir une encyclopédie pour vérifier si untel et untel sont inventés ou pas. Ce que j'ai fait. Le roman débute en 1942, les nazis occupent le nord de la France, Pétain et ses sbires sont à Vichy. La pègre française dans sa majorité plonge dans la collaboration, par simple appât du gain, même si certains voyous vont plus loin et intègrent la Gestapo et iront parfois au-devant des demandes de l'occupant. "Parce qu'ils ont bien changé, ces derniers temps. Au début, ils se contentaient de racketter les Youpins ou de fournir en marchandise les bureaux d'achat boches. Mais leurs patrons frisés en veulent plus : ils ont collé un adjoint à Lafont, l'ancien flic marron Bonny, une célébrité d'avant-guerre. Lequel a transformé la racaille de la rue Lauriston en service de police secrète, avec fichiers tenus à jour, bureaux cloisonnés et même fiches de payes." (p.84)
Le contexte, comme toujours chez l'auteur, est formidablement mis en place et décrit, on s'y croit totalement. La grande histoire est truffée de petites histoires. Sans être historien, JC Portes sait la raconter, expliquer certains faits, comme le marché noir à grande échelle mené par les nazis et sous-traité aux voyous français. Bref, il crée une forte toile de fond qui exacerbe les passions et les trahisons.
Et au cœur de cela il y a Mo et Lizzie, pas censés se rencontrer et qui vont vivre une histoire d'attirance-répulsion dans un maelstrom d'aventures très plaisantes à suivre. L'auteur pousse le détail jusqu'à user d'une langue différente pour Lizzie, aristocrate anglaise et Mo, voyou des bas-fonds corso-parisiens. Chacun a ses chapitres, pour Mo, un langage plus familier, parfois argotique. Le tout donne un roman qui s'ouvre et se ferme quasiment sans qu'il soit possible de s'arrêter, le premier d'une série autour des deux héros que je souhaite la plus longue possible tant JC Portes a fait naître l'envie de continuer à suivre leurs aventures.