Le singe venimeux
Le singe venimeux, Arimasa Ôsawa, Atelier Akatombo, 2022 (traduit par Jacques Lalloz)
Tokyo, années 1990, quartier de Shinjuku, le capitaine Samejima planque devant un tripot clandestin. Avec ses collègues, ils cherchent les liens entre les yakuzas japonais et la mafia taïwanaise. Il repère Kuo, un flic taïwanais à la poursuite d'une tueur à gages qui serait au Japon pour finir un contrat et se venger.
Le meurtre d'un tenancier de bar à hôtesses, puis des exactions sur des yakuzas du quartier amènent Samajima à s'intéresser à ce tueur impitoyable, surnommé Le singe venimeux, Du Yuan. Il va faire équipe avec Kuo contre l'avis de ses collègues. Encore une fois, Samejima fait preuve d'un esprit peu corporatif.
Deuxième tome des enquêtes du capitaine Samejima de la police de Tokyo, après Le Requin de Shinjuku, qui est également son surnom, parce qu'il ne laisse aucune chance à ceux qu'il combat, les yakuzas. Cette fois-ci cependant, il aura fort à faire avec le Du Yuan et sera davantage un spectateur impuissant ayant toujours un temps de retard qu'un flic qui sait déjouer les plans de ses adversaires. Mais il faut dire que Du Yuan est un tueur efficace qui cherche plus à se venger d'un parrain taïwanais qui l'a trahi qu'à accomplir un contrat.
Un peu long par moments lorsque le romancier change de narrateur : il rejoue certaines scènes mais n'y apporte pas vraiment de détails supplémentaires, ce qui ajoute des pages certes, mais délaye un peu le roman. Ce point mis à part, le voyage dans le Tokyo underground d'il y a trente ans est intéressant et Arimasa Ôsawa donne à son héros du tempérament et un vrai point de vue sur son métier, la manière de le faire : "Bien sûr, à mes yeux, il existe des policiers détestables. [...] Ceux qui jouent les cow-boys. Et puis ceux qui n'ont à la bouche que "les intérêts de la nation". j'ai pour règle de ne pas leur faire confiance? L'important c'est l'individu, pas l'organisation ni le système. Un policier se voit confier un pouvoir que n'a pas le citoyen lambda. Mais c'est pour protéger ses concitoyens, pas la Loi. Ce qu'on appelle la Loi est quelques chose d'invisible. Pour moi, le policier figure une espèce de barrière. En la franchissant, on se blesse et on blesse autrui. Chacun sait bien qu'on prend un raccourci en passant ces barrières [...] Malgré ça, certains empruntent le raccourci comme si de rien n'était et si quelqu'un s'en offusque, ils usent de la menace pour le faire taire. Eh bien si nous laissons faire ces individus, nous en encourageons immanquablement d'autres à se dire : Quoi, j'ai été bien stupide d'avoir fait le détour !""(p.102/103)
Ce sont tous ces apartés qui donnent du sens au texte, qui sans cela serait une énième aventure d'un flic solitaire qui lutte contre le crime organisé dans un pays quelconque. Amirasa Ôsawa écrit un polar sociétal ancré dans le Japon des années 90, dans une société en plein changement qui vit entre une grande modernité et une tradition très forte qui imprègne tout le pays et les habitants. Un pays qui n'est pas très accueillant, qui n'aime pas voir débarquer des étrangers fussent-ils de pays proches, très autocentré. Bref, une série de polars marquante, bien traduite par Jacques Lalloz -enfin, j'imagine, je ne parle pas japonais, mais la traduction est plaisante, fluide- et même si j'ai lu en format liseuse, j'ai trouvé qu'il y avait un réel travail de mise en page des éditions Atelier Akatombo.