Le cannibale de Crumlin Road
Le cannibale de Crumlin Road, Sam Millar, Seuil, 2015 (Points, 2016, traduit par Patrick Raynal)
Karl Kane, détective privé à Belfast tente de résister à la chaleur qui accable la ville depuis plusieurs jours en glandant à demi-nu dans son appartement-bureau. Mais Naomi, sa secrétaire-compagne introduit une jeune femme qui est à la recherche de sa petite sœur, junkie, disparue depuis plusieurs jours, ce qui ne rassure pas le privé car des corps de jeunes femmes ont été retrouvés récemment, mutilés, sans foie ni rein.
Toujours en froid avec la police locale dont l'un des chefs est son ex-beau-frère, Karl commence ses recherches.
Deuxième tome avec Karl Kane, l'archétype du privé : divorcé, deux enfants, une ex avec laquelle les rapports sont tendus, pareil pour les flics du coin, toujours à la recherche d'une affaire juteuse car les finances sont systématiquement au plus bas, joueur, louant un bureau qui lui sert d'appartement et entretenant une relation très suivie et parfois houleuse avec sa secrétaire. Une fois que l'on a dit cela, on pourrait croire que l'on se trouve dans un énième roman de détective, mais c'est sans compter avec le talent de Sam Millar qui connaît et décrit les bas-fonds de Belfast comme personne et aime plus que tout autre mettre en ses histoires des personnages hors normes telle Ivana, transsexuelle pilier du bar gay le Billy Holiday's, voisin du bureau de Karl et grande amie du couple Karl-Naomi. Il y a l'histoire aussi bien sûr et les difficultés qu'éprouve Karl à enquêter dès lors que la police lui met des bâtons dans les roues ou que lui-même fonce sans réfléchir et donc mesurer les conséquences de ses emportements. Si l'on connaît le présumé coupable assez vite, Karl le sait au fond de lui, le suspense est maintenu par son machiavélisme, son aptitude incroyable à se sortir de toutes les situations et les doutes quant à la possibilité du détective à le confondre.
Et puis, il y a le franc-parler de Karl, ses réparties cinglantes, sarcastiques, ironiques et drôles :
-"Tu soupçonnes tout le temps quelqu'un de quelque chose. C'est ta nature qui est soupçonneuse, Hicks.
- De quoi s'agissait-il ? demanda Naomi qui avait attendu que Karl mette fin à la communication.
- C'était Hicks. On dirait que Belfast a un serial killer sur les bras, et que la merde ne va pas tarder à percuter le ventilateur." (p. 74)
L'écriture de Sam Millar est un pur bonheur et est magnifiquement traduite par Patrick Raynal, lui-même auteur de polars. Franchement, j'en redemande, c'est pourquoi j'ai déjà le tome 3 en stock...