Suite en do mineur
Suite en do mineur, jean Mattern, Sabine Wespieser, 2021
A l'occasion d'un voyage à Jérusalem, offert pour ses cinquante ans par son neveu, Robert Stobetzky, aperçoit une silhouette, un port de tête inoubliable et unique dans la Via Dolorosa, ceux de Madeleine, avec laquelle il a partagé, vingt-six années auparavant, alors étudiant, en 1969, trois semaines de bonheur intense.
Madeleine le quitta brutalement, second abandon pour Robert, après la mort de ses parents lorsqu'il avait dix ans. Début des années 70, il s'installa à Bar-sur-Aube, là où son frère vivait, il y créa une librairie, vite devenue pour lui son refuge.
C'est donc au milieu des années 90, que Robert, célibataire endurci, un poil misanthrope, ou plutôt qui n'aime pas les groupes, surtout ceux qu'on lui impose, visite Jérusalem. Lui, né de parents juifs, pas croyant, que les religieux qui arpentent les rues agacent. Ce voyage sera pour lui, sans qu'il s'en doute, râlant sur son neveu Émile qui le lui a offert, le moyen de sortir de sa bulle baralbine pour faire le point. Il raconte son enfance, entre foyers et familles d'accueil, avec Maurice son frère ; sa rencontre avec Madeleine, leurs trois semaines intenses et le brusque retour à la solitude, la découverte, un jour à la radio, de la suite en do mineur pour violoncelle et cette claque qui lui fait prendre plusieurs décisions dont celle de se mettre à la musique.
Mise à part, une sensation de longueur sur la fin du texte, cette impression que le narrateur tourne en rond, que l'idée de base s'épuise un peu, j'ai beaucoup aimé le roman de Jean Mattern. Il y a d'abord sa manière de parler de littérature, de musique qui m'a donné envie d'entendre cette suite en do mineur de Bach, sachant que je suis inculte en matière de musique dite classique. Évidemment sur la rencontre amoureuse ou amicale, sur la rupture, l'abandon et la solitude. Sans grandiloquence, dans de longues phrases, parfois très longues et très belles, il va au plus près des émotions. De belles pages également sur l'homosexualité et la difficulté à la vivre il y a 25 ans, si tant est que ça soit plus aisé maintenant. Sous le prétexte de parler de soi, le narrateur parvient à parler des autres et aux autres de tous les thèmes et les questionnements qui nous occupent chaque jour.