L'épouse d'Amman
L'épouse d'Amman, Fadi Zaghmout, L'Asiathèque, 2021 (traduit par Davide Knecht assisté de Thomas Scolari)
Amman, Jordanie, de nos jours, cinq personnes, quatre femmes et un homme prennent la parole.
Leïla, tout juste diplômée, la meilleure de son école, mais ça ne suffit pas aux yeux de sa famille, il lui faut un mari.
Salma, sa sœur, trente ans et toujours célibataire, un sacré calvaire dans ce pays.
Hayat, jeune femme amie de Leïla qui ose une relation, certes encore chaste, mais avec un homme marié.
Rana, étudiante, chrétienne, qui n'a d'yeux que pour Jantay, musulman, ce qui n'est pas du goût des hommes de la famille.
Ali, homosexuel dans un pays où cette sexualité lui fait risquer le pire.
Excellent et terrible ce roman qui parle de la condition féminine en Jordanie, de l'éducation des filles préparées à être de bonnes épouses soumises et dévouées -ce qui est un pléonasme- : "On considère comme un bon parti un homme avec un travail et un revenu stable. Par contre, pour être "épousable", une femme se doit d'être belle, d'un âge convenable, moralement irréprochable, bonne cuisinière et fée du logis. Et pourvue de surcroît d'un diplôme et d'un travail. Ces exigences rendent les conditions d'une union honorable difficiles à remplir." (p.32)
Fadi Zaghmout écrit la souffrance des femmes de ne pas pouvoir s'épanouir par et pour elles-mêmes. Elles doivent d'abord faire plaisir et obéir au père, puis aux autres hommes de la famille si elles transgressent les règles par eux édictées, puis enfin à un mari. Vierges au mariage -la femme, pas l'homme, non pas lui. Il parle aussi de la vie cachée des homosexuels, de ceux obligés de se marier pour la façade rendant leur femme et eux-mêmes malheureux, de ceux qui ne cèdent pas aux exigences de la société mais qui doivent vivre leurs amours clandestinement.
C'est un roman à cinq voix qui se lit facilement malgré les thèmes abordés. Non dénué de touches d'humour qui l'allègent un peu, on suit horrifié la difficile vie de Leïla, Hayat, Salma, Rana et Ali et l'on se dit que l'on est bien heureux de vivre en France même si les questions des droits des femmes, de l'égalité avec les hommes, des violences commises contre elles sont encore loin d'être réglées et qu'il faut continuer de revendiquer jusqu'à ce qu'elles le soient.