La complainte de la limace
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La complainte de la limace, Zahra Abdi, Belleville (traduit par Christophe Balaÿ), 2020
Shirine presque trentenaire vit à Téhéran avec sa maman qui a gardé intacte la chambre de son fils Khosrow, disparu pendant la guerre du Golfe vingt ans plus tôt. Shirine est passionnée de cinéma et vit dans un monde imaginaire, parle avec un jeune garçon qui n'existe pas.
Un peu plus loin dans la ville, Afsoun, poétesse, maîtresse de conférences, animatrice d'une émission de télévision populaire et épouse de Vahid, président de l'université, passe une mauvaise période pleine de doutes et de questionnements, de regrets de la vie qu'elle aurait dû avoir avec Khosrow.
Roman d'une Iranienne sur des femmes iraniennes qui vivent sous le joug de la religion et des hommes. Celles qu'elle présente dans ce roman semblent assez libres, l'une parce qu'elle vit dans un monde imaginaire et l'autre parce qu'elle a tous les signes extérieurs de la réussite. Chacune à sa manière refuse de subir et s'élève contre le patriarcat religieux.
Pas forcément simple d'entrer dans la vie de ces femmes, parce que la langue de Zahra Abdi est particulière, qui convoque beaucoup d'images et qui flirte avec l'irrationnel, l'imaginaire notamment pour Shirine. Une fois la porte ouverte, on a plaisir à découvrir une écriture moderne, vive -beaucoup de phrases courtes-, à la fois directe et descriptive, et emplie d'humour et de dérision.
Belleville est une toute jeune maison qui choisit des textes d'ailleurs, des "trouvailles littéraires". Chaque couverture est illustrée par un ou une artiste du pays de l'auteur ou autrice. Ici, c'est Asma Abbasi qui l'a dessinée.
Quant à la signification du titre, en voici une partie, un passage assez significatif de ce roman à découvrir : "J'ai la sensation d'une limace froide et gluante qui enfonce ses cornes dans mon oreille. La complainte de la limace est un des sons les plus tristes que j'ai jamais entendus. C'est une plainte insistante qui se glisse lentement jusqu'au fond de l'âme. Cette viscosité ralentit la circulation du sang et lorsqu'elle atteint le cœur, c'est l'infarctus. Qu'on le veuille ou non, l'organe se paralyse." (p. 28)