Mardi-gris
Mardi-gris, Hervé Prudon, La table ronde, 2019 (Gallimard, 1978)....
Le brigadier Gourdon, flic raciste, prompt de la gâchette dès lors que le mec de l'autre côté de son arme est basané ou un peu foncé est abattu dans le parking de sa cité. Tout accuse Emile Rochette, jeune marginal bien connu des services de police et notamment du commissaire Loiseau chargé de retrouver le tueur de Gourdon. Rochette fuit avec René son pote. Il part se mettre au vert dans une communauté dans le Cantal.
Remarques liminaires : ce roman noir a été écrit en 1978, c'est le premier de l'auteur Hervé Prudon, journaliste, né en 1950 et décédé en 2017.
Ce qui surprend, agréablement il va sans dire, c'est d'abord le style. Familier, oralisé, qui vaut quelques phrases exquises : "Elle savait que Rochette avait une tête fragile. Il pouvait rester des heures entières sans rien dire. Elle le regardait et pouvait entendre grincer tous les ressorts dans sa tête. Un ressort avait pu lâcher." (p.171) Les idées et trouvailles d'Hervé Prudon sont au service de son histoire noire et désespérée. 1978, la fin des années de reconstruction, de plein emploi. Les chocs pétroliers sont passés par là, la crise pointe le bout de son nez, l'exode des ruraux vers les villes pour s'entasser dans des HLM construites à la va-vite, les hippies sont fatigués et le "No future" des punks débarque. Rochette est le symbole de cette société qui croit de moins en moins en l'avenir. Il a, à quelques chose près, l'âge de l'auteur.
C'est donc du noir, de l'espoir broyé dans la réalité ; tout cela, parfois un peu long, mais mis en mots dans un style qui claque, qui n'a absolument pas vieilli. Ce bouquin aurait pu être écrit et installé dans notre époque, à quelques détails près. Je ne connaissais pas Hervé Prudon, c'est une très belle idée que de rééditer ses ouvrages (dans la même collection, deux autres titres : Banquise et La langue chienne) surtout s'ils sont aussi bons qu'icelui.
Titre reçu gracieusement grâce à la Librairie Dialogues et ses Dialogues croisés.