Ma reine
Ma reine, Jean-Baptiste Andrea, Folio, 2019 (L'iconoclaste, 2017)....,
Shell, c'est un peu l'idiot du village. Il a 12 ans en ce début d'été 1965. Il grandit entre son père et sa mère qui tiennent une station service qui vivote dans la vallée, loin des grandes villes. Shell, c'est comme ça qu'on l'appelle à cause du blouson qu'il arbore fièrement lorsqu'il fait le plein aux rares voitures qui s'arrêtent. Lorsque ses parents et sa sœur beaucoup plus âgée que lui décident qu'il sera mieux en institution spécialisée, Shell s'enfuit dans la montagne. C'est là qu'il fait la connaissance de Viviane. Sa reine.
Chronique pré-adolescente vue à travers les yeux d'un jeune garçon hors la norme qui voudrait que chacun entre dans un moule éducatif et d'apprentissages. Shell est différent : pas intellectuel, ne sachant pas lire, peu doué pour les études, mais assez débrouillard dès lors qu'il s'intéresse. A 12 ans, il subit déjà et depuis longtemps les quolibets, les moqueries et les coups. A l'école, mais aussi à la maison où son père ne manque jamais de le rabaisser. Aussi lorsqu'il quitte la station, on sent bien que tout ne se déroulera pas bien pour lui, et sa rencontre avec Viviane, sa reine, à laquelle, il se dévouera totalement, risque bien de l'emmener loin de sa zone de sécurité.
C'est bien écrit, très agréable à lire, et pourtant je ne suis pas amateur des romans écrits du point de vue des enfants, qui parfois cachent ainsi des faiblesses et des maladresses. Ce n'est pas le cas ici, et Jean-Baptiste Andrea ne s'embourbe pas dans le piège de la facilité. Il fait évoluer son personnage pendant cet été, par ses rencontres, sa solitude, les paysages superbes qui se prêtent à l'introspection, aux questionnements, car même si Shell est l'idiot du village, il se pose pas mal de questions, les mêmes que chacun d'entre nous au même âge, mais sans doute d'une manière différente. Le romancier tire souvent des sourires, par des formules, la candeur de son héros ou des trouvailles : "Parmi les missions qui m'étaient confiées, je devais remettre du papier toilette dans le réduit marqué C -le W était tombé et on ne l'avait jamais remis quand on avait constaté qu'il faisait un excellent dessous-de-plat." (p.17)
Franchement, j'ai hésité avant d'ouvrir ce livre, parce qu'a priori, ce n'est pas trop mon style, mais je ne regrette pas du tout. Une très belle histoire, des beaux personnages et de superbes paysages, que vouloir de plus ? Un peu plus d'infos sur le site de l'éditeur : Folio.