Le Syrien du septième étage
Le Syrien du septième étage, Fawaz Hussain, Le serpent à plumes, 2018....
Paris, 20° arrondissement, entre deux boulevards dont celui des Maréchaux, se dresse un immeuble HLM, facilement qualifiable en tour de Babel tant les origines des habitants sont diverses. Des Français, des Maliens, des Maghrébins, un Serbe ou Bosniaque voire Croate, une Tamoule, un Sénégalais, une Russe, celle du premier à laquelle le Syrien du septième étage n'est pas insensible. Mais chaque fois, elle trouve une parade pour ne pas l'inviter.
C'est la vie dans cet immeuble vétuste que le Syrien raconte, mais aussi ses peurs et angoisses face à la situation dans son pays, d'autant plus que sa famille y réside encore.
On n'est pas dans La vie mode d'emploi de Georges Perec, inévitable lorsqu'on parle des habitants d'un immeuble, mais le Syrien fait le tour de tous ses voisins. Les liens qu'il entretient avec eux, ou pas, leurs particularités ethniques mais aussi physiques, leurs traits de caractère. Il raconte aussi les habitués du square pas loin, les commerçants qu'il visite régulièrement de façon tragi-comique.
Tragique parce que le Syrien ne peut s'empêcher de suivre sur les chaînes infos la guerre dans son pays, de constater que le pouvoir ne fléchira pas malgré les nombreux morts et les encore plus nombreux exilés, il est horrifié de voir que Daech détruit des sites remarquables, tue des gens qui n'ont rien demandé que de vivre paisiblement.
Comique parce que ses gentilles tentatives pour séduire sa voisine russe se heurtent à une femme décidée. Parce que certains voisins sont drôles dans leurs habitudes, que leurs dialogues sont parfois surréalistes par manque de compréhension des langages. Mais aussi tragique parce que l'immeuble abrite des gens pauvres, souvent seuls éloignés de leurs pays, de leurs familles qu'ils ne sont pas sûrs de revoir un jour. Tragique parce que leurs vies auraient pu être tout autres dans leurs pays s'ils n'étaient en guerre ou de régimes dictatoriaux ou encore pauvres qui ne peuvent plus nourrir leurs habitants obligés donc d'émigrer sous des cieux a priori plus cléments. La question du déracinement, de la solitude, de la vie loin des siens et de son pays est posée tout au long du roman, elle est centrale.
Fawaz Hussain parle assez peu de racisme tant les origines sont mélangées et la cohabitation marche bien. La solidarité même entre les résidents de l'immeuble, notamment face au bailleur qui traîne à faire les travaux. Un roman des petits moments de tous les jours, du quotidien d'un grand immeuble parisien pas vraiment de haut standing. Belle écriture qui joue avec les mots, les phrases toutes faites, les expressions. Et belle couverture signée le serpent à plumes.