Devant le seuil
Devant le seuil, Philippe Godet, Ed. de la Rémanence, 2017....,
Gérard connaît Natalie sa femme depuis dix ans. Tombé sous le charme de sa voix de chanteuse de jazz, il lui a envoyé ses poèmes qu'elle a aimés. Dix ans de bonheur et d'amour. Puis un jour, la terrible nouvelle : Natalie est atteinte d'un cancer du sein. Le sein droit. Tous les deux font face comme ils peuvent. Les rendez-vous médicaux. Les mauvaises nouvelles. Les traitements longs et épuisants. La vie qui domine néanmoins, la folie douce de Natalie qui égaye ces journées ternes. Sur fond de jazz et de poésie, Gérard raconte l'histoire de Natalie, la leur.
J'ai eu un peu de mal à entrer dans ce texte, pas particulièrement enjoué. J'ai un peu forcé pour les vingt/trente premières pages et puis la suite a coulé naturellement et je n'ai pas pu lâcher l'ouvrage jusqu'à la fin. Philippe Godet alterne les passages poétiques, imagés avec d'autres directs voire crus. Sa plume est belle et originale, oscillant entre le "il" du narrateur, le "je", le "tu", le "nous" sans que jamais le lecteur ne se perde, il faut même faire un peu attention pour remarquer ces changements. Gérard rempli des carnets et un blog qu'il alimente avec ses poèmes et j'ai beaucoup aimé cette phrase : "Nous avons un cancer", qui résume tout le livre. C'est Natalie qui est malade, mais c'est ensemble, tous les deux qu'ils luttent et se soutiennent. Elle révèle également la force de l'amour qui les lie.
Quelques autres personnages apparaissent : les musiciens du groupe de Natalie, quelques amis, la fille de Natalie, née d'un premier lit, mais c'est quasiment un dialogue entre Gérard et Natalie. Le texte est fort, puissant. Il pousse au questionnement : que ferions-nous en pareil cas ? Aurions-nous cette réserve de patience, de vitalité, cette énergie que dégagent les deux ?
Philippe Godet décrit admirablement ses sujets, dans leurs forces comme je le disais plus haut mais aussi dans leurs faiblesses, leurs doutes, leurs peurs, leurs petitesses parfois, leur générosité mais aussi leur égoïsme nécessaire pour lutter, ... Ils sont humains avant tout et donc en proie à tout ce que je décline ci-dessus. Chaque parcours est individuel et chaque personne est unique et seule face à la maladie car c'est elle qui la ressent, mais un entourage présent, aimant et attentionné, même s'il ne suffit pas, insuffle de l'énergie et l'envie de vivre. C'est tout cela qu'aborde Devant le seuil, qui, malgré un thème pas réjouissant est un hymne à la vie et à l'amour, pas plombant du tout, même si certains passages peuvent être durs.
Un très beau texte, édité par les éditions de la Rémanence dont le -déjà très beau, j'en ai chroniqué plusieurs- catalogue s'étoffe de belle manière. Un extrait -presque- au hasard pour finir :
"Natalie a coupé les cheveux épars qui lui restaient. Elle porte désormais sa perruque pour sortir. Dans l'intimité, elle la remise sur son support. Je la vois à nu. Elle se montre ainsi à moi, dans toute sa vérité de femme blessée. Toi seul me vois telle que je suis, dit-elle. Elle se regarde dans la glace. Que c'est moche, ces cheveux éparpillés ! Crois-tu que je doive me rase la tête ?" (p.103)