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Boom, Bust, Boom

Publié le par Yv

Boom, Bust, Boom, Bill Carter, Intervalles, 2017 (traduit par Marie Poix-Tétu)

Bill Carter vit à Bisbee en Arizona, une ancienne ville minière investie depuis des années par des artistes, des hippies. En mangeant les salades de son jardin il se rend malade et se pose la question de la qualité de son sol. Celui-ci analysé révèle des quantités importantes de polluants très dangereux, utilisés dans les mines de cuivre. Il se rend compte que même si la mine est arrêtée depuis longtemps, l'environnement est durablement infecté. Il décide alors d'enquêter sur le monde secret et très rentable des exploitations minières de cuivre particulièrement. De l'ancienne Égypte à l'empire romain, de Bisbee à l'Alaska, il raconte l'histoire de ce métal utilisé partout et par tous.

Passionnante et riche cette enquête -sous titrée Petite histoire du cuivre, le métal qui gouverne le monde- qui refait l'histoire du cuivre depuis sa découverte jusqu'à notre usage actuel dans quasiment chacun de nos gestes quotidiens. Le cuivre est présent partout dans nos maisons : tuyaux de plomberie, fils électriques, dans les voitures, parfois dans les pièces de monnaie, ... Bill Carter fait une sorte de carnet de route, s'arrêtant près de chez lui, dans une ville minière voisine, puis il passe au Mexique, en l'Alaska où un projet de mine pourrait détruire la plus grande réserve mondiale de saumons rouges. A chaque fois, il fait l'historique de la région, de l'exploitation minière locale, des ressources naturelles; et à chaque fois c'est instructif et très intéressant. Les bénéfices et la demande de cuivre sont tels que tous les coups sont permis. Les mineurs sont exploités, se ruinent véritablement la santé pour leur travail et gagnent leur vie difficilement alors que les exploitants engrangent des sommes considérables les classant parfois parmi les fortunes mondiales les plus grosses. Lorsque certains comme à Cananea au Mexique font grève depuis des années pour garder leur travail, le cynisme et l'inhumanité des patrons donnent des frissons : "Je sais qu'ils finiront par être licenciés, chassés et oubliés, le temps que la compagnie emploie de nouveaux travailleurs pour un salaire moins élevé -sans aucune forme d'assurance maladie- et double ses profits. Je sais cela parce que c'est ainsi que marchent les affaires dans le monde actuel. Les travailleurs n'ont plus l'avantage depuis longtemps et ceux qui l'ont aujourd'hui, ce sont les dirigeants d'entreprise, les actionnaires et les hommes politiques qu'ils manipulent." (p.95)

Le monde marche sur la tête en voulant toujours plus, notre consommation a un coût environnemental et humain qu'on ne mesure pas toujours. Évidemment qu'on n'allume pas la lumière chaque jour en pensant aux mineurs exploités qui ont extrait le cuivre des fils électrique, mais ce livre, comme d'autres permet de se poser des questions, de regarder la réalité du monde et de faire des choix de société. Des élections approchent chez nous, que veut-on pour nos enfants et nous-mêmes ? Est-il souhaitable de continuer ce monde dans lequel on obtient tout ce qu'on veut sur un claquement de doigts, lorsqu'on a la chance de gagner correctement sa vie dans un pays riche ? Doit-on confier le pouvoir à ceux dont on sait qu'ils vont en abuser puisqu'ils profitent déjà très largement du système -qu'ils dénoncent souvent- dans leurs postes actuels ?

Ce bouquin remue plus que certains reportages télévisuels ; le pouvoir des mots, des images que l'on se crée en lisant sont souvent plus forts que les images que l'on nous impose, et Bill Carter sait raconter sans être larmoyant. Il raconte des faits, rapporte des témoignages des gens qui veulent simplement vivre décemment. Au travers de cette enquête sur le cuivre, il écrit un livre profondément humain, il s'intéresse vraiment aux gens qu'il rencontre. C'est fort, un peu long certes, mais c'est un livre à poser et reprendre, parce qu'à chaque chapitre on apprend quelque chose. Merci Intervalles de nous permettre de lire ce genre d'essai a priori pas sexy et absolument passionnant.

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A
Te voilà convertit au slow life.
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Y
Disons que je ne vis pas à cent à l'heure
Z
Encore tentée, pour de bon cette fois !
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Y
je l'aurais fait voyager avec plaisir, mais ce n'est plus mon exemplaire
K
Voilà un bon bouquin, merci Yv. Doit-on être toujours dans le 'progrès' et changer souvent notre matériel? (j'ignore si c'est dans le livre)
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Y
C'est un peu la question sous jacente.