Suite française. Tempête en juin

Suite française. Tempête en juin, Emmanuel Moynot, Folio, 2016 (Denoël, 2015), d'après le roman d'Irène Némirovsky, Denoël, 2004..,
Juin 1940, les troupes allemandes sont aux portes de Paris après la capitulation belge. Les Parisiens prennent peur et certains fuient. Parmi eux, le couple Michaud dont le fils est à la guerre, employés de banque, dont le patron monsieur Corbin fuit lui aussi avec sa maîtresse Arlette Corail. Il y a aussi la nombreuse famille Péricand dont l'un des fils, prêtre, est chargé de convoyer les jeunes délinquants de la fondation créée par son grand-père, mais aussi Gabriel Corte, écrivain hautain et désagréable et sa maîtresse. Ils croisent beaucoup d'autres gens que la peur a envoyés sur les routes bientôt surchargées. Il faut pouvoir s'arrêter pour manger et se reposer, mais la moindre chambre minable est prise d'assaut.
Irène Némirovsky est morte en déportation en 1942. Ecrivain, elle avait consigné dans des carnets ce roman qu'elle voulait en cinq volumes "sur le vif". Elle n'y parviendra pas, arrêtée avant, seuls deux romans sortiront de ses carnets, publiés en 2004 uniquement, ses filles les ayant conservés sans les lire pendant cinquante ans. Son roman recevra de nombreux prix, sera traduit et récompensé un peu partout dans le monde.
Ceci étant dit, j'avoue une certaine déception. Le livre n'apporte rien de bien nouveau. Les histoires des différents protagonistes, on les a déjà vues ou lues. J'essaie bien de me dire qu'elles ont été écrites quasiment en direct et ça force mon respect, mais à part cet élément important, l'ensemble est assez plat et fade. Je ne sais ce qui tient du roman ou de l'adaptation BD, mais les personnages ne me semblent ni sympathiques ni profonds. On ne sait rien de leurs liens, de leurs relations, à peine esquissées, c'est le contexte qui domine. Pourtant Irène Némirovsky a pris des gens totalement différents vivant la même tragédie, mais évidemment pas de la même manière. Il y a matière à construire une histoire et des relations fortes entre les personnages, des questionnements, enfin bref, un roman choral avec de vraies personnalités aux parcours différents qui peuvent se croiser, s'opposer, se rencontrer voire se combattre. Rien de tout cela dans cette adaptation en roman graphique, chacun vit la guerre de son côté.
Sans doute faudrait-il juger cette bande dessinée sur l'ensemble, au moins sur la base des deux romans écrits et publiés mais je crois que seul le premier, a été adapté par Emmanuel Moynot pour le moment. Sans doute même faudrait-il parler -comme du roman- d'une petite partie d'une saga en cinq volumes et dont ce premier tome serait la présentation des lieux, du contexte et des personnages, avant d'entrer dans le vif du sujet. C'est donc muni de ces précautions qu'il faut lire mon humble chronique. Néanmoins, on a le droit d'être déçu par ce qui est présenté comme un roman inévitable, plutôt d'ailleurs par son adaptation graphique puisque je ne peux juger du roman que je n'ai pas lu.
Réédité chez Folio, Tempête en juin, se présente en un petit format qui cependant ne nuit pas à la qualité de lecture, une version poche pas chère pour vous faire une idée...