Pères, fils, primates
Pères, fils, primates, Jon Bilbao, Mirobole, 2016 (traduit par Marc Fernandez).....
En voyage au Mexique pour le mariage de son beau-père, Joanes attend un coup de téléphone crucial pour la survie de son entreprise de climatisation. Un ouragan est annoncé et l'hôtel dans lequel il séjourne avec sa femme, sa fille, son beau-père et sa femme est évacué vers Valladolid. lors d'un tour en voiture juste avant le départ, Joanes renverse une femelle chimpanzé, l'enterre dans la jungle et rentre mais trop tard, l'hôtel a été vidé. Il part en voiture, trouve sur la route l'un de ses ex-professeurs et sa femme handicapée. Il les prend à bord de son automobile. Commence alors une journée particulière avec ce professeur que Joanes juge coupable de quelque mauvaise action contre lui, lui ayant fait échapper le boulot particulièrement attrayant qu'il briguait juste à sa sortie de l'université.
Roman d'une descente aux enfers : jusqu'où l'homme peut s'abaisser pour obtenir ce qu'il veut et les conséquences des actes commis sur l'entourage ? Il débute simplement, une évacuation d'une ville à cause d'un ouragan : les habitants sont habitués et tout devrait se dérouler normalement mais quelques grains de sable d'abord assez éloignés les uns des autres viennent gripper un peu la belle mécanique. Et puis ces grains de sable, ces détails, se révèlent importants au fil de l'histoire et prennent tout leur sens, loin d'être anecdotiques.
Avec son idée, Jon Bilbao aurait pu en faire des tonnes, allonger son roman, ajouter des effets dramatiques ça et là, mais il a eu l'intelligence et le talent pour ne rien en faire. 217 pages, rien de trop, rien ne manque. Les personnages sonnent juste et les liens entre eux également. A part la présence de l'ouragan le livre est écrit avec une économie de moyens assez inhabituelle, l'auteur va à l'essentiel.
D'habitude lorsque je lis, je note des pages qui me marquent pour diverses raisons pour alimenter mon article. Là, je n'ai rien noté, non parce que je n'ai rien trouvé, mais parce que je me suis coulé totalement dans l'histoire subtilement amenée et menée, un peu à la manière de Sukkwan island de David Vann (toute comparaison gardée, les récits se ressemblent en certains points et notamment dans la construction qui va vers une inévitable catastrophe).
Je ne vais donc pas faire dans l'allongement que je reproche souvent à certains auteurs, mon article sera court -ouf, enfin, entends-je par ici-, juste, je cite le tout début, les premières phrases, mais faites-moi plaisir, n'hésitez pas à lire ce Pères, fils, primates, à la couverture très réussie comme toujours chez Mirobole :
"Les animaux se cachaient, ou peut-être avaient-ils senti ce qui allait arriver et avaient-ils fui à l'intérieur des terres en quête d'un refuge. Depuis son arrivée au Mexique, Joanes n'avait aperçu que des oiseaux, omniprésents et bruyants, et des lézards aux grandes pattes qui couraient partout autour de la piscine de l'hôtel. Aucune trace des anacondas, des jaguars et des singes qu'il avait espéré trouver là, s'exhibant juste pour lui, perchés au sommet des branches touffues." (p.9)