Méfaits d'hiver
Méfaits d'hiver, Philippe Georget, Jigal polar, 2015.....
Gilles Sebag, lieutenant de police à Perpignan, découvre que Claire, sa femme l'a trompé avec un collègue prof. Tous deux la grosse quarantaine, vingt années de mariage, deux enfants. Gilles passe une mauvaise période au point de perdre sa célèbre intuition, surtout lorsque les affaires qui occupent son équipe sont des adultères qui finissent mal : meurtre d'une épouse fautive, suicide d'un mari trompé et pétage de plomb d'hommes bafoués... D'ailleurs à bien y réfléchir, et c'est plutôt le lieutenant Ménard qui s'y colle, Gilles en étant incapable, ça fait une drôle d'épidémie d'adultères dans la ville, tous dénoncés par un corbeau. Et s'ils étaient tous liés ?
Nom : Philippe Georget. Titres des romans lus : Tendre comme les pierres, mention excellent, Le paradoxe du cerf-volant, époustouflant et le petit dernier, Méfaits d'hiver, excellent itou. Contrairement aux deux précédents, ce dernier n'est pas vraiment exotique ni dans le monde qu'il décrit ni dans les lieux. C'est un roman on ne peut plus basique : l'adultère, les relations hommes/femmes, le regard des autres sur un homme ou une femme trompé par son conjoint. Dit comme cela, ça ne fait pas vraiment envie, et pourtant sa force est de captiver le lecteur avec une intrigue policière basée sur ces faits. De même on pourrait se dire que le flic trompé qui enquête sur des faits qui ressemblent à ce qu'il vit, c'est du déjà vu. Certes, mais là où il est bon P. Georget, c'est qu'au lieu de faire redondance, le comportement de son flic nous plonge totalement dans l'intrigue. C'est un polar dense, 350 pages en petits caractères, on ne s'y ennuie jamais parce que le scénario est impeccable, maîtrisé et que les personnages, Gilles Sebag en tête sont fouillés, détaillés. Il y a des pages excellentes sur l'introspection de Gilles, sur ses questionnements suite à la découverte de la tromperie de Claire, sur la difficulté qu'il a de ne pas penser aux deux amants dans des moments intimes ou simplement dans les mots tendres qu'ils ont dû s'échanger. L'alcool, les insomnies ne seront pas forcément bons conseillers, néanmoins, ce sont deux béquilles provisoires. De belles pages aussi du point de vue de Claire -et des autres femmes- qui ne comprend pas toutes les raisons qui l'ont poussée à tromper Gilles, qui l'aime et veut le reconquérir. Le couple comme base de polar, il fallait y penser et oser.
P. Georget a su créer une équipe de flics que l'on aura plaisir à retrouver : Gilles, le flic intuitif, celui qui mène les enquêtes, un rien blasé qui a "sacrifié" sa carrière pour favoriser sa vie de famille ; son copain Jacques Molina, le flic blagueur, lourd mais qui a le don pour détendre l'atmosphère ; François Ménard, le frustré, celui qui aimerait qu'on le considère à hauteur de Sebag et qui en est jaloux et Julie, jeune flicque efficace, à l'écoute, la touche féminine avec Elsa, la policière scientifique. Tout cela fonctionne très bien sous l'autorité du commissaire Castello et si l'action n'est pas le principal ingrédient du livre, Sebag préfère la réflexion et le travail de fourmi, le vrai quotidien des flics, le suspense et la tension montent tout au long des pages. En cela, on est assez proche d'un roman policier de type Mankell/Wallander : le travail, le travail et la vie pas facile des hommes et des femmes des forces de l'ordre... et le travail.
Ajoutons à tout cela, une écriture vive, simple, directe, un sens de la formule évident, dans les dialogues, notamment ceux de Molina qui aime détourner ou inventer des proverbes : "Tout ça, ce ne sont que des poils de cul dans la chevelure d'un hippie, des broutilles, des détails..." (p.106) et vous avez dans les mains un très bon roman policier que vous ne lâcherez plus jusqu'au dénouement et même si tout fonctionne comme chez moi, vous aurez envie de retrouver l'équipe du commissaire Castello dans d'autres aventures.