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La madrivore

Publié le par Yv

La madrivore, Roque Larraquy, Christophe Lucquin, 2015 (traduit par Mélanie Gros-Balthazard)....,

1907, banlieue de Buenos Aires, clinique de Temperley, une équipe médicale sous la direction de Mr Allomby tente une expérience folle : décapiter des patients atteints du cancer et en fin de vie pour recueillir leurs dernières paroles une fois la tête séparée du reste du corps, puisqu'une croyance dit que la tête seule vit encore neuf secondes. C'est le professeur Quintana qui raconte cette incroyable entreprise.

2009, Buenos Aires, un artiste provocateur lit la thèse d'une certaine Linda Carter à propos de son travail. C'est alors toute la question de l'œuvre, de l'art contemporain et de la façon d'arriver au statut d'artiste reconnu qui est la base de la réflexion de l'artiste.

Deux récits dans ce roman de Roque Larraquy qui finiront par se parler. A priori pas vraiment de points communs entre eux, quoique l'artiste du second n'hésite pas à user de son corps pour ses œuvres. Imaginons qu'en 1907, les scientifiques recueillent des propos intéressants et qu'en les combinant ils en fassent des textes forts, poétiques, ... certains avant de crier au scandale crieraient au génie et à l'œuvre d'art... Mais revenons à la clinique de Temperley au début du siècle dernier. Les docteurs sont tous plus barrés les uns que les autres, on se croirait dans une aile psychiatrique, mais côtés patients. Ce qu'écrit Roque Larraquy est terrible, horrible, puisqu'ils choisissent des patients très malades pour abréger leur souffrance mais surtout pour parvenir à leurs fins d'expérimentateurs. Malgré cela, on sourit beaucoup, voire même on rit, parce que le texte est bourré d'humour. Noir évidemment, morbide. Notamment dans les tentatives des médecins de conquérir Menendez, l'infirmière-chef. Malgré la lourdeur du contexte, l'ambiance reste potache, bon enfant, légère, ou alors c'est moi qui ai décidé de le prendre comme tel pour éviter de sombrer, mais je ne crois pas m'être trompé, jugez plutôt avec cet extrait issu de la procédure officielle pour recruter et tester les patients :

"Le jour de l'entretien, le professionnel se présentera le front dégagé, sans excès de gomina. Il fera entrer le patient et lui proposera du thé ou du café. Le caractère inattendu d'une telle proposition, si éloignée des conventions habituelles d'une consultation médicale, le préparera à recevoir la terrible nouvelle : le sérum de Beard n'a pas fonctionné et le décès est imminent. Une fois la nouvelle mise sur le tapis, vous observerez un silence respectueux durant lequel le patient fera ce qu'il veut avec sa douleur. Le silence ne devra pas dépasser les deux minutes, moment où le médecin se lèvera de sa chaise, franchira la barrière du bureau pour venir taper sur l'épaule du patient avec une ou deux mains. Si le patient se montre réticent au contact physique, le médecin lui fera comprendre que ce geste de compassion n'est pas en option." (p.62/63)

Le second texte sur la création artistique est moins drôle, sans doute parce que le sujet est lui-même plus léger. Il pose des questions sur l'art en général. Qu'est-ce qu'une œuvre d'art ? Jusqu'où peut aller l'artiste ? La mutilation ou la transformation du corps mises en scène sont-elles de l'art ? Le premier à avoir une idée parfois bête, comme Duchamp avec son urinoir, peut se prévaloir du titre de découvreur, mais les suivants ne sont-ils que des imitateurs, des profiteurs d'un système qui glorifie les performances ? Voilà pour certaines questions qui me sont venues en lisant ce court texte sur cet artiste provocateur qui ne cherche qu'à faire parler de lui en bien ou en mal, surtout en mal d'ailleurs, histoire d'exister aux yeux de tous.

Un récit très différent du premier qui le rejoint néanmoins d'une manière fine. Il y est question de corps également, de l'intégrité d'icelui, de ce que l'on peut faire avec... enfin plein de réflexions qui méritent qu'on s'y arrête un instant. De manière générale, les livres parus chez Christophe Lucquin méritent d'être lus. Ils sont souvent décalés, barrés, fous, toujours bien écrits et vraiment originaux. Celui-ci, comme les autres, n'échappe pas aux yeux acérés de l'éditeur.

Commenter cet article
Z
Je suis très tentée, surtout par le premier récit
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Y
le plus déjanté, encore que le second est pas mal dans le genre
O
Bonjour Yv<br /> La première partie de ce roman me fait penser aux auteurs de la fin du 19ème siècle, début 20ème mettant en scène des savants fous. Quant à Linda Carter, c'est Super Woman ?<br /> Amitiés
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Y
Bonjour Paul<br /> Il y a un peu, beaucoup même de cela dans ces savants fous. Ceux qui dans certains romans ont créé des monstres. Quant à Linda Carter elle n'aime pas qu'on la confonde avec son homonyme Lynda Carter effectivement Wonder woman. Te voilà prévenu. <br /> Amicalement