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Les morts renaîtront un jour

Publié le par Yv

Les morts renaîtront un jour, Christoph Ernst, Black Piranha, 2015 (traduit par Brice Germain)...,

Käthe a fui l'Allemagne nazie pendant la guerre. Au début des années 1990, elle est invitée comme beaucoup d'autres juifs exilés à un séjour à Berlin. Käthe accepte et en profite pour tenter de récupérer un immeuble qui appartenait à sa famille et dont elle a été spoliée par les nazis. Mais Käthe meurt subitement. Suicide ? Meurtre ? Sa petite-nièce, Maja, désormais sa plus proche parente ne croit pas au suicide et elle décide de prendre les choses en mains, l'enquête et la demande de rétribution de l'immeuble, qui est depuis longtemps la propriété d'un homme d'affaires également homme politique.

Récemment, je suis allé voir au cinéma Le labyrinthe du silence, un film qui raconte comment l'Allemagne post -guerre avait totalement enterré les années du conflit, à tel point qu'à la fin des années 50, les jeunes de l'époque ignoraient l'existence des camps de concentration. Il a fallu l'obstination de plusieurs personnes pour qu'enfin elle regarde l'histoire en face. C'est d'ailleurs un film, certes un peu académique, que je vous recommande.

Dans ce roman Christoph Ernst aborde beaucoup plus de points : la spoliation des biens juifs, l'enrichissement de certains Allemands qui répugnent à rendre des années plus tard ce qu'ils ont mal acquis ; l'aryanisation a enrichi quelques personnes facilement, sans scrupules. Dans les années 90, il est toujours difficile de parler de cette spoliation, de l'élimination des juifs, du nazisme. Une phrase du fil suscité me revient : un des juges demande à celui qui fait tout pour faire connaître l'existence des camps (je cite de mémoire, donc les termes exacts sont peut-être légèrement différents) : "Mais vous voudriez que chaque Allemand se demande si son père était un nazi ? Oui, lui répond le juge." Là réside sans doute la difficulté d'aborder ces questions, à chaque fois, il est légitime de se demander ce que faisaient les Allemands des générations précédentes.

Mais le livre, qui se déroule juste après la chute du Mur parle aussi de la difficile réunification des deux Allemagne, les haines, les rancœurs sont fortes et ont été entretenues des deux côtés. De la question d'Israël et de la Palestine pour laquelle l'auteur ne mâche pas ses mots. De celle qui peut se poser aux descendants des juifs persécutés qui ne s'expliquent pas le lien que leurs aïeux on avec l'Allemagne. Des juifs qui sont restés en Allemagne pendant toute la guerre et de leurs conditions de vie, des comportements qu'ils ont dû adopter pour survivre.

Un roman dense et parfois un peu long qui cependant vaut qu'on s'accroche pendant les premières pages, car il se bonifie au fil d'icelles. Ce n'est pas vraiment un polar -je dis ça pour ceux et celles que le terme rebute-, mais plutôt un roman avec un fil conducteur qui est la recherche des origines, de l'identité. Bien construit, avec des personnages qui évoluent, qui ne font pas forcément ce que l'on attend d'eux au départ. J'ai sûrement oublié pas mal de choses tant ce roman est dense et intéressant. Mais ça laisse aussi de la surprise pour les futurs lecteurs qui seront passés avant sur le blog.

Commenter cet article
E
Pétain, pas Papin ... ;-)
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Y
En fait j'avais rectifié de moi-même entre Pétain et Papon...
E
J'ai adoré le labyrinthe des silences (et tout aussi surprise de voir qu'à peine vingt ans après les jeunes ignoraient tout des camps ...). J'ai longtemps été amie avec une allemande et elle vivait mal les sempiternelles remarques sur l'Allemagne nazie. Moi qui adorais mes grands-parents, j'ignore comment j'aurais réagi s'ils avaient été, sans être nazis ou collabos, du moins silencieux, ou participatifs. <br /> <br /> Je le note car j'adore ce genre de livre. Le roman Je m'appelais Sarah (le film était pas mal) abordait aussi la douloureuse question de l'identité (ici cachée par la survivante qui avait tout effacé de ses origines juives) et des biens spoliés par les français sous Papin. Difficile à voir mais très utile et nécessaire !
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Y
Un livre très bon. Mes enfants sont germanistes et lors d'un échange scolaire, la jeune fille qui nous accueillions me dit sans arrière pensée (et pour cause, elle avait 16 ans) que ses parents ne connaissaient pas la France, mais son grand-père oui, il y avait passé deux ans ; j'ai réalisé que c'était pendant l'occupation...
A
Tant pis pour les longueurs, je le note.
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Y
elles sont très surmontables
K
Quand un livre est dense, oui, même en lisant un billet, il reste des surprises! Tant mieux. Et même pour une relecture, on n'écrirait pas le même billet.
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Y
Sûr que si je le relis dans quelques mois, le billet sera différent, c'est bien les livres sur lesquels il y a beaucoup de choses à dire