L'or de Quipapa
L'or de Quipapa, Hubert Tézenas, Métailié, 2015 (1ère édition, L'Écaillier, 2013)...,
Brésil, 1987, état du Pernambouc, ville de Quipapa, la canne à sucre est cultivée non plus pour le sucre mais pour l'éthanol censé faire rouler les voitures. Les producteurs exploitent les ouvriers et notamment la famille Carvalho. Le chef du syndicat des ouvriers menace ? On le retrouve mort. Un témoin, Alberico Cruz est accusé du meurtre, envoyé en prison. Le dernier fils Carvalho, Kelbian trempe dans des affaires louches, profite de son statut d'héritier. Le père n'est pas tout propre non plus qui tente de faire effacer la dette colossale des producteurs d'éthanol par le pays, prêt pour cela à toutes les compromissions. Trahisons, arnaques, meurtres, corruption et misère font le quotidien de cette région et de ses habitants.
Il n'est pas très évident de se retrouver dans les premières pages de ce roman si l'on ne connaît rien du Brésil ou de la canne à sucre, j'avoue avoir été un peu perdu, et puis les explications viennent et les différentes informations font sens. Et là, force est de constater que le contexte est exotique et miséreux. Les ouvriers triment pour des salaires qui ne couvrent pas leurs frais, ils ne peuvent pas revendiquer, sont tenus à l'écart, ce n'est pas de l'esclavage proprement dit, mais on n'en est pas loin. Hubert Tézenas décrit bien les conditions terribles, mais aussi les magouilles des exploitants pour tirer toujours plus de profit. La canne à sucre a été un produit qui a fait leur richesse, mais elle n'est plus aussi rentable dans la fin des années 1980. La société brésilienne est ultra violente, un assassinat ponctue une tentative de dénonciation des méthodes des producteurs de canne à sucre, personne ne s'en émeut, sauf quand même un soldat de la police militaire et un journaliste. Alberico Cruz, le témoin accusé du meurtre ira quelques jours en prison, subira des brimades et des violences extrêmes, les prisonniers sont entassés dans une pièce à la merci d'un caïd qui manipule les gardiens et les flics.
Hubert Tézenas alterne deux narrateurs, celui qui est décrit à la troisième personne, Alberico Cruz, qui veut absolument faire la lumière sur l'histoire à laquelle il est mêlé, c'est lui qui en quelque sorte mène l'enquête du roman, et celui qui dit "je", Kelbian Carvalho, le fils héritier violent et incontrôlable. J'aime assez cette idée de nous faire voir par l'œil du "méchant" plutôt que par celle de l'accusé à tort, ça donne un côté encore plus noir au roman.
Dans cet état du Pernambouc, dans les petites villes loin de la capitale locale Recife, le décor est triste, et les conditions de vie horribles. Il est dur d'y survivre. Le roman d'Hubert Tézenas est noir, très sombre et poisseux, un roman hard-boiled dit-on qui rend compte d'une réalité sociétale : gangstérisme, corruption, mafia, meurtres, course à l'argent et au profit. Un premier roman très réussi et très prometteur qui se lit sans en perdre une miette et qui a eu l'avantage de me plonger dans un monde inconnu, celui des plantations de canne à sucre et du Brésil pauvre, loin des plages de Copacabana ou d'Ipanema.