L'effet papillon
L'effet papillon, Jussi Adler-Olsen, Albin Michel, 2015 (traduit par Caroline Berg)....,
William Stark est fonctionnaire dans un ministère danois. Sous les ordres de René Ericksen, il dirige un projet humanitaire censé aider des Pygmées du Cameroun à continuer à vivre selon leurs coutumes. Lorsque le régulateur du projet en Afrique meurt et qu'il envoie à Stark un étrange SMS, William comprend que de l'argent est détourné. Mais William disparaît.
Marco, un jeune gitan fait partie d'un clan de mendiants et de voleurs maltraités par Zola son oncle. Marco s'enfuit et pour échapper à ses poursuivants se retrouve dans un trou en compagnie du cadavre de Willam Stark.
Carl Morck, Assad et Rose, les flics du Département V chargé d'élucider de vieilles affaires non classées se retrouvent sur la disparition de William Stark. Leur route croisera celle de Marco qui fait tout pour échapper au clan Zola qui veut le supprimer pour l'exemple.
Ah, quel plaisir de retrouver Carl Morck et son équipe très étrange, même si cette fois-ci ils sont un peu en retrait, Marco étant le personnage principal de ce cinquième tome. Si par pur hasard, vous ne connaissiez pas les autres volumes de cette série consacrée au Département V, je vous livre ici les titres et liens : Miséricorde, Profanation, Délivrance, Dossier 64. Pas tous de valeur égale, je dis ici une petit déception pour le tome 2, je me régale quand même d'abord à l'idée d'ouvrir le livre, puis à l'avancée de l'intrigue et à la plongée dans la vie personnelle des flics. Cette fois-ci, je suis un peu sur ma faim quant à ce dernier point. A part une rupture amoureuse, et quelques petits changements dans la vie quotidienne de Carl, peu d'évolutions au regard de l'épaisseur du bouquin (640 pages !). A ce propos, c'est un peu volumineux, certaines coupes dans les diverses courses-poursuites entre Marco et le clan Zola auraient été les bienvenues, bon ça n'aurait pas ôté cent pages, mais on aurait peut-être pu descendre sous les 600, ce qui fait déjà un lourd ouvrage. Ah si j'oublie quand même le départ du chef de la police avec qui Carl s'entend bien pour son remplacement par Lars Bjorn, un flic pour lequel Carl n'a que mépris, ce qui ne va faciliter ni son travail ni son humeur quasi éternellement maussade.
Ces réserves mises à part, j'ai dévoré ce polar. Jussi Adler-Olsen dresse un tableau assez noir de la société danoise : individualisme, indifférence, renfermement sur soi-même, corruption, gamins des rues exploités par des adultes qui se construisent un empire financier. La belle place est donnée à Marco, ce jeune gitan qui ne veut plus vivre dans ce monde mais rêve d'études et d'une vie honnête. Dans quelques pages, l'auteur flirte avec les stéréotypes : le clan de gitans voleurs, les homos précieux, c'est parfois dérangeant, mais c'est peut-être ma conscience et un certain angélisme qui me font réagir ainsi, d'autant plus que dans chaque communauté décrite, si certains sont très "clichés" d'autres sortent de ces stéréotypes.
Ceci étant dit Marco est un beau personnage, un jeune homme qui veut s'en sortir et souhaite plus que tout réussir sa vie en dépit de la manière dont elle a débuté. Il fera tout pour parvenir à réaliser ce rêve, courant beaucoup, se cachant, échappant tout le long du livre à ses nombreux poursuivants ; c'est parfois un peu rocambolesque, incroyable, mais si l'on se dit qu'on est dans un polar d'action, ça passe aisément. Car même si Jussi Adler-Olsen construit un roman qui critique la société de son pays, on est quand même loin d'un Henning Mankell -ou d'autres- qui font de vrais polars sociaux, Jussi Adler-Olsen est dans le divertissement avant tout. Et ça marche, il le fait bien. Il n'y a qu'à voir l'équipe de Carl : Assad un petit homme énigmatique venu de Syrie ou d'Irak sur lequel Carl peine à apprendre des détails de la vie ; Rose sans doute schizophrénique, gothique, embauchée comme secrétaire et qui déniche les affaires et les impose à son patron ; apparaît dans ce tome Gordon, un dégingandé mou et imposé par le chef haï qui intègre la petite équipe. On peut aussi parler du foyer de Carl : Jesper son beau-fils (son ex-femme est partie avec un hippie), Hardy son collègue cloué sur un lit suite à une fusillade qui a failli coûter la vie de Carl, Morten l'homme à tout faire de la maison et son compagnon Mika, kiné qui soigne Hardy. C'est totalement hétéroclite, foutraque, et ça donne de la légèreté à l'ambiance.
Côté intrigue, Jussi Adler-Olsen monte une combine de détournements de fonds par des hauts fonctionnaires et des banquiers, tous plus retors les uns que les autres. Elle tient en haleine tout au long jusqu'à la fin, notamment parce qu'évidemment les méchants veulent se débarrasser de Marco et que pour cela ils emploient les grands moyens : des tueurs des pays de l'est et même d'ex-enfants-soldats menés par une Mammy effrayante de cruauté. Des rebondissements, des surprises émaillent l'enquête qui aurait été trop linéaire sons cela, d'autant plus qu'en tant que lecteur, on est dans une position omnisciente : on connaît les avancées de Carl Morck, mais aussi les méfaits des uns et des autres.
A priori 11 tomes sont prévus, je signe déjà pour le sixième.
Lystig donne aussi son avis.