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Une ombre au tableau

Publié le par Yv

Une ombre au tableau, Joseph Hone, Éd. BakerStreet, 2014 (traduit par Françoise Jaouën)...,

Ben Contini est artiste-peintre à Dublin. Le jour de l'enterrement de sa mère, lors de la réception qui suit, une femme entre dans la maison, elle ressemble trait pour trait à Katie, son ex-petite amie qui vient de se suicider. Troublé, Ben l'est encore plus lorsque cette femme, Elsa, l'approche et lui apprend qu'elle a un message de la part de son père et que leurs deux familles sont liées. Plus tard, en fouillant le grenier, Ben y trouve un nu, vraisemblablement peint par Modigliani, puis dans un tiroir secret d'un meuble de son père mort depuis des années, une liste de tableaux et d'objets d'art dérobés par les nazis pendant la guerre. Tableau en main, Ben et Elsa partent sur les traces d'icelui et de la fameuse liste : Paris, l'Allemagne, l'Italie. 

Joseph Hone est un écrivain irlandais, né en 1937, plutôt spécialisé dans le genre espionnage. Il est connu -pas par moi- également pour avoir travaillé dans le cinéma, le théâtre. A plus de 70 ans, il signe un roman efficace qui lentement et sûrement installe les personnages, l'intrigue et les lieux. Je ne saurais pas vraiment le qualifier entre thriller, roman policier, roman noir ou roman d'aventures, c'est sans doute un mélange de tous ces genres.

J'ai été séduit dès le départ, par l'irruption d'Elsa dans la maison de Ben. Et la suite ne m'a pas déçu. Les personnages sont bien travaillés, fouillés et les relations entre eux également. Ben, peintre, plutôt spécialisé dans le nu ne vit que pour les femmes, ce n'est pas un dragueur fini qui cherche l'aventure d'un soir, non, il veut trouver celle qu'il dessinera et qu'il aimera. Il pensait que Katie était celle-là, il l'a beaucoup dessinée et aimée. Elsa, le double de Katie le trouble, d'autant plus qu'elle ne montre pas vraiment d'attirance pour lui. Leur relation est subtile, même si Joseph Hone joue un peu avec les standards de la comédie romantique dans laquelle les deux héros ne se supportent pas mais finissent dans le même lit. On sent, on espère presque que ce sera le cas pour eux, mais la question du lien entre leurs deux familles est présente qui brouille les cartes. Ce lien, c'est la spoliation nazie, le trafic d'œuvres d'art auquel leurs pères semblent mêlés : le père d'Elsa, autrichien, fut soldat pour l'armée d'Hitler, celui de Ben, juif, fut envoyé à Auschwitz. Quel lien pouvait-il bien exister entre eux, si tant est qu'il y ait un lien ? Intrigue très bien menée qui jusqu'à son dénouement réserve des surprises. Chaque intervenant est à un moment ou un autre soupçonnable de trafic d'œuvres d'art : Harry, l'ami de Ben, marchand d'art est-il si innocent que cela ? L'aide-t-il par amitié ou en vue d'un généreux profit ? Et les moins soupçonnables ont parfois des choses à se reprocher. Ce n'est pas un roman instructif, il n'apprendra rien au lecteur un minimum informé sur la spoliation nazie, mais son auteur place admirablement ses personnages dans cette période trouble et sait admirablement jouer avec les névroses et le mal-être des descendants des spoliateurs ou supposés tels.

Ce qui est bien aussi, c'est que l'auteur nous oblige à prendre notre temps, à chaque fois que Ben et Elsa passent dans une ville, Joseph Hone la décrit, ainsi Paris, Carrare, Pise, ou Munich. L'histoire, certes, l'intrigue, bien sûr, mais il n'oublie pas les paysages, les lieux et les divers intervenants qui ont droit à quelques lignes de description plus ou moins valorisantes. Le rythme du livre est parfois rapide, mais pas trépidant, et si une scène a mérité une débauche d'énergie, une suivante nous permettra de nous remettre en visitant un café ou en lisant une recette préparée par Elsa ; par exemple, après une course assez longue dans les rues parisiennes pour échapper à divers poursuivants, Ben et Elsa trouvent refuge dans une péniche qu'ils louent et s'enfuient ... à 7 kilomètres à l'heure, et ce pendant une semaine !

Le ton général du roman est entre le tragique pour les thèmes qu'il aborde et le léger (comme cette fuite en péniche). Très bien écrit (et donc très bien traduit), je me suis régalé de certains portraits: "McCartney était le notaire de ma mère, et à présent son seul exécuteur testamentaire. Il avançait en âge, septuagénaire, mais restait un homme imposant, qui aimait se mettre en avant ; visage rougeaud, ancien pilier de rugby dans l'équipe d'Irlande. Il arborait habituellement une veste de tweed pied-de-poule, parfois un gilet écarlate. Tenues voyantes, fort en gueule. Ce jour-là, il était plus sobrement vêtu. Je l'avais toujours trouvé antipathique. Manières onctueuses, fourbes." (p.12) Un polar à découvrir, qui sait se faire plus qu'un polar, car même lorsque l'intrigue est finie, l'auteur continue son roman continue une quarantaine de pages, s'intéressant -comme il l'a fait tout du long- à ses personnages, il ne les lâche pas comme ça d'un claquement de doigts, ils continuent à vivre même après leurs aventures. On ne se remet pas aisément de deux mois d'enquêtes, de fuite, d'affrontements en tous genres, de découvertes et de révélations, Ben et Elsa ont sûrement changé c'est aussi cela que veut montre Joseph Hone.

 

 

polars

Commenter cet article
P
Pourquoi pas ?
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Y
<br /> Je t'envoie un mail<br /> <br /> <br />
P
Ce roman pourrait me plaire, surtout s'il est question d'oeuvres d'art et de spoliations. Merci de nous faire sortir des sentiers battus !
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Y
<br /> <br /> Il est plein de qualités, il est parti en Bretagne, mais si tu me donnes ton adresse il peut continuer par chez toi...<br /> <br /> <br /> <br />
A
Des descriptions de villes ? Pas facile, comme exercice.
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Y
<br /> <br /> Ce n'est pas non plus le thème principal du livre, c'est un contexte géographique<br /> <br /> <br /> <br />
G
J'ai lu "tenues verdoyantes" au lieu de voyantes... Pourtant, ce n'est plus la Saint Patrick depuis longtemps! Tu en parles bien de ce roman et je dois dire que s'il me passe sous le nez, j'aurai<br /> du mal à résister...
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Y
<br /> <br /> Je me suis relu, parce que des fautes ou des coquilles j'en fais. Un bon roman <br /> <br /> <br /> <br />
K
Tu as quand même le chic pour mettre la main sur des bouquins intéressants... (et belle couverture!)
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Y
<br /> <br /> C'est ça d'aller vers des éditeurs pas très connus, on découvre des livres étonnants, ce n'est pas toujours la bonne pioche, mais quand ça marche, c'est extra. La couverture est un nu comme ceux<br /> que peint Ben Contini ou le fameux Modigliani retrouvé dans le grenier...<br /> <br /> <br /> <br />