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Les petits contretemps

Publié le par Yv

Les petits contretemps, Gaëlle Héaulme, Buchet-Chastel, 2013..,

"Et si on donnait libre cour à nos pulsions et à nos pensées les plus noires ? Les petits contretemps, ce sont ces moments de basculement, où tout change soudain de couleur et de rythme. Des instantanées, des "vignettes", qui, dans une écriture très visuelle, fixent avec cruauté ces instants où tout dérape." (4ème de couverture)

Un recueil de nouvelles souvent très courtes qui commence très fort :

Déjeuner en paix : une femme aimerait bien prendre son petit-déjeuner au calme, mais son mari est aux petits soins. Je ne lis pas les 4èmes de couverture avant, ce fut donc une surprise et je me régalais à l'avance des histoires suivantes.

Las, cette première est sans conteste la plus efficace du recueil, les autres nouvelles sont moins percutantes, ce sont des tranches de vies ordinaires, mais de vies tellement plates, sombres et pessimistes. C’est un peu comme si vous passiez une soirée en charmante compagnie. Le dîner est excellent et lorsque la donzelle ou le damoiseau selon que vous êtes un garçon ou une fille ou vice-versa est ou sont je ne sais plus combien on est avec tout ça, je ne maîtrise plus rien, je ne voulais pas faire une partie fine, juste une soirée à deux. Pouf pouf, je me reprends, l’autre partie est partante (belle assonance !) pour plus si affinités et manifestement affinités il y a. Voilà deux personnes consentantes qui se retrouvent seules avec des idées derrière les têtes et ailleurs aussi, si je puis me permettre. Doucement, les préliminaires débutent, prometteurs, chacun étant au summum de son désir, et là, patatras, la belle (ou le beau) se met à parler de sa mère (ou de son père ou de ses ex ou de son chien ou de l’ombre d’icelui voire d'iceux, faites vôtre la formule qui vous plaira)… quelles débandade certaine et frustration énorme ! J'ai préservé les sensibilités de tous, j'ai essayé d'être soft dans ma métaphore, j'aurais pu tout aussi bien dire que la belle ou le beau enlevant ses atours n'était plus que l'ombre de lui-même ou d'elle-même : le décolleté tentateur s'est dégonflé et le slip kangourou tâché du bellâtre a dégoûté madame de l'accouplement. Chacun prend pour lui l'image qu'il veut... 

Moi, qui suis d'une nature optimiste je suis sorti de ce livre démoralisé. Il n'y est question que de séparations, d'abandons, de départs, de maladies, de morts. Une femme quitte son mari, un homme quitte son épouse (pour une plus jeune bien sûr). Chacun partant sur une impulsion, abandonnant époux(se) et enfants. Un constat amer et totalement désespéré sur la vie qui va vite, sur la perte de la jeunesse et des illusions. Totalement désabusé et sans espoir.

Cependant, dans le lot des 35 nouvelles, certaines m'ont plu  (des tentatives pour remettre le couvert dirais-je élégamment dans le cas d'une métaphore filée) :

The king fridge : "On est dans le lit tous les deux. On se repose un peu. Les triplés dorment, à côté de nous, c'est l'heure de la sieste." (p.39) Ou comment un réfrigératuer de type américain peut faire basculer des vies.

J'ai quelque chose à te dire : "Je suis en train de beurrer le pain de mie pour les croque monsieur quand il entre dans la cuisine et reste planté là à me regarder." (p.79) Comment réagir face au départ de son mari qui laisse la maison en chantier ?

L'aire du repos : "Soudain, Jimmy n'est plus là. On se retourne, son père et moi, on ne le trouve pas." (p.99) Un enfant disparaît sur une aire d'autoroute ; chacun se rejette la faute.

L'amertume du chocolat : "Il s'est levé très tôt pour fabriquer un gâteau avec une recette de sa mère." (p.115) Très belle nouvelle sur les rapports belle-mère-beau-fils autour d'un gâteau au chocolat.

Comme une odeur : "Je suis à l'hôtel avec mes filles. Je regarde par la fenêtre en buvant mon café. Je vois ma maison qui brûle. Tiens, la maison brûle." (p.137) Quand le partage après une séparation est difficile.

Elles sont un peu différentes des autres par l'angle de narration, le trait d'humour ou d'ironie, le très léger espoir qu'on peut y lire. L'écriture générale de ce recueil est comme il est précisé en 4ème de couverture très visuelle : des phrases courtes décrivant la vie quotidienne, les questionnements de tout un chacun, des dialogues qui virent souvent à l'explication, des non-dits, des soucis de compréhension.

Si vous êtes motivés, en joie, tentez votre chance, si vous êtes un rien déprimés, je ne suis pas sûr que ce livre soit bon pour le moral, écoutez plutôt la Compagnie Créole...

 

rentrée 2013

Commenter cet article
S
Chacun sa lecture... La vôtre semble être passée à côté de l'humour, l'amour, la profonde humanité, et jusqu'à l'écriture de ce livre. Une écriture très proche de celle de Raymond Carver (cité en<br /> exergue d'ailleurs), cinématographique, minimaliste, incisive, comme une calligraphie chinoise, qui fait naître un univers entier d'un "simple" trait... (véritable art et travail que celui la<br /> simplicité !) : ces textes sont pour moi des précipités, au sens chimique.<br /> <br /> Vous en êtes sorti déprimé ? Sans rire ?!<br /> <br /> Ce livre regorge d'humour (noir, c'est vrai), la 1ère nouvelle donne le ton, et bon nombre des suivantes, suivent en choeurs, plus subtilement certes. Et pas seulement celles que vous citez,<br /> "l'invitation" par exemple, je vous mets au défi de la lire à un auditoire sans vous pliez de rire…<br /> <br /> Vous avez sans doute, comme moi, tendance à mettre du poids et de la dramaturgie là où il n'y en a pas. L'auteure n'est définitivement pas une tragédienne… Et même quand le sujet est grave - la<br /> mort, la maladie, la dépression, l'abandon - il est sans pathos, voire carrément drôle ("- veux-tu l'amour ?" ).<br /> <br /> Je trouve votre métaphore fort inappropriée à cet écrit. Si vous demander à écrivaine de vous draguer et vous faire jouir, il faut effectivement vous tourner vers une autre littérature :)
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Y
<br /> <br /> Chère Salomé, comme vous le dites au départ de votre commentaire, "chacun sa lecture". Je parle de l'humour de certaines nouvelles, en fin de billet, mais de là à se plier en deux de rire,<br /> voyez-vous, il y a un gouffre... Je n'ai plus ce recueil en mains, sinon, je m'y serais replongé histoire de savoir ce que j'ai raté, mais mes billets sont écrits quelques heures après la fin de<br /> ma lecture et ils sont le reflet de ce que j'en ai pensé. Vous finissez trouvant ma métaphore inappropriée, elle n'est certes point très délicate, je vous l'accorde,  et elle est là pour<br /> montrer ma frustration de lecteur et pour mettre un peu de légèreté là où je n'en ai point vu, mais vous savez comme moi que l'humour, fut-il noir, n'est pas une idée universelle, ce qui peut<br /> vous faire rire, ne me décoincera pas les zygomatiques et vice-versa. <br /> <br /> <br /> Au plaisir de vous relire<br /> <br /> <br /> <br />
L
Pas pour moi, alors ! je veux du gai !
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Y
<br /> <br /> Evite ce recueil<br /> <br /> <br /> <br />
K
J'ai emprunté à la bibli un recueil de Raumond Carver, ce n'est pas rose non plus, mais je crois que je vais me contenter de cette valeur sûre...
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Y
<br /> <br /> Je ne connais que de nom, je devrais essayer<br /> <br /> <br /> <br />
K
J'ai noté des icelui et icelles de bon aloi, tu demeures en forme en dépit de ces nouvelles tristounettes.
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Y
<br /> <br /> On se maintient, à défaut de plaisir à lire au moins en avoir à écrire et à proposer à ceux et celles qui me lisent<br /> <br /> <br /> <br />
Z
Question créole, je préfèrerai un ti'punch si tu le veux bien<br /> Pour le bouquin, je passe mon tour
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Y
<br /> <br /> ça va avec le remontant proposé par Alex. Merci les filles<br /> <br /> <br /> <br />
A
Un petit remontant ?
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Y
<br /> <br /> C'est pas d'refus ma p'tite dame <br /> <br /> <br /> <br />
E
Si ce n'est pas très gai, je passe mon chemin... En aparté, écouter La compagnie créole aurait tendance à ma pousser au suicide.... ;-), Pardon, je sais c'était un exemple...
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Y
<br /> <br /> A ce point là, et moi qui pensait que la Compagnie Créole remontait le moral<br /> <br /> <br /> <br />
G
Je n'en suis pas au point d'écouter la Compagnie créole... :-) Un peu dommage que ces nouvelles soient si amères et sombres. A lire au compte-goutte peut-être? Avec une tisane à la menthe, pour<br /> être sûr de bien digérer...
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Y
<br /> <br /> Quand on en est rendu à écouter la Compagnie Créole, c'est qu'on est bien bas... Et pour moi, ce sera plutôt un thé à la menthe STP<br /> <br /> <br /> <br />
C
j'adore ta conclusion :)!
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Y
<br /> <br /> Un titre incontournable !<br /> <br /> <br /> <br />